Les pharmacies, portes d'entrée pour le premier recours ? C'est le plaidoyer pro domo des industriels de l'automédication. Le deuxième bulletin de santé* des Français dévoilé ce lundi par l’association NèreS (ex-Afipa, regroupant 29 laboratoires commercialisant des produits sans ordonnance) révèle une progression des déserts médicaux et du renoncement aux soins et met délibérément en avant le « plébiscite du pharmacien » sur les maux du quotidien.
Le tableau est connu : 12 % des Français ne savent pas ou n'ont pas de généraliste traitant (une situation pire qu'en 2022) et plus d'un Français sur deux (58 %) a le sentiment que le système de santé continue de se détériorer. Surtout, pour plus de sept Français sur dix, le parcours de soins est perçu comme « complexe », qu'il s'agisse du remboursement (75 %), de la compréhension du système (67 %) ou de l'orientation (58 %). Pour 66 % d'entre eux, la raison principale avancée est le manque de généralistes qui entraîne des « délais de rendez-vous trop longs ». Non seulement cette complexité vécue conduit à du renoncement aux soins (pour 45 % des Français), mais ce renoncement est encore plus marqué chez les jeunes et les Français en moins bonne santé (56 % chez les 18/34 ans, 52 % pour ceux qui se déclarent en mauvaise santé).
Réformes peu connues, tentation de solutions radicales
Dans ce contexte, les réformes pour fluidifier le parcours sont très peu connues des Français. Trois quarts des sondés ne connaissent ni les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), ni les contrats locaux de santé (CLS) et près des deux tiers ignorent la création des services d'accès aux soins (SAS) ou des infirmiers de pratique avancée (IPA). La création des maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) est mieux appréhendée (61 %) tout comme le portail Monespacesanté (71 %). Mais faute de lisibilité, les Français affichent une position tranchée sur la méthode puisque 89 % d'entre eux estiment que l'obligation d'installation dans les déserts médicaux serait une solution « efficace » pour répondre aux défis actuels.
Ce constat des carences du système de soins apporte surtout de l'eau au moulin des industriels de l'automédication qui poussent ouvertement en faveur du développement du réseau officinal comme premier point de contact. Faute d'une « politique claire sur le premier recours », avance Paul-François Cossa, président de NèreS, les Français veulent « une porte d'entrée humaine, compétente et disponible » pour entrer dans le parcours de soins.
Ainsi, selon le même sondage, plus de neuf Français sur dix « plébiscitent » les pharmaciens sur les maux du quotidien, à travers les conseils ou produits disponibles sans ordonnance (92 %), la prévention de ces maux courants (91 %) ou même l'orientation vers d'autres professionnels de santé qualifiés (91 %). C'est pourquoi l'association souhaite faire de l'officine « la porte d'entrée » du parcours pour les maux du quotidien afin de soulager les généralistes libéraux et les urgences hospitalières.
Un conseil national du premier recours ?
Pour concrétiser cet objectif, il faudra « un dialogue renouvelé entre pharmacien, médecin et infirmier référent » mais aussi un élargissement des outils à la disposition des officinaux « à travers des conseils dans le parcours de soins », « une plus grande gamme de tests d'orientation diagnostique » et de « médicaments de prescription médicale facultative », énumère Luc Besançon, délégué de NèreS. Pour autant, la pharmacie ne sera pas « l'unique porte d'entrée », souligne-t-il. Mais on doit fluidifier le système avec les ressources humaines actuelles ».
Alors que des concertations sont en cours dans le cadre du conseil national de la refondation santé (CNR), les industriels appellent le gouvernement à créer « un conseil national du premier recours en santé », instance de concertation réunissant autorités de santé, représentants des professionnels de santé, patients et industriels. « L'enjeu est de récolter des données relatives aux maux du quotidien qui sont aujourd'hui noyées dans les données de santé, détaille Luc Besançon. Ce diagnostic va permettre à l'instance d'analyser, de piloter et de proposer de nouvelles organisations des soins ».
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