Huit ans après la publication du livre témoignage du neurologue Olivier Ameisen sur la guérison de son alcoolisme grâce au baclofène, un désormais célèbre myorelaxant indiqué dans les contractures spastiques d’origine neurologique, cette molécule sort enfin de la bataille idéologique entre les « anti » et les « pro » pour entrer dans le domaine de la preuve scientifique. Les très attendus résultats deux études cliniques françaises, Bacloville et Alpadir, ont été présentés en fin de semaine dernière à Berlin au congrès de rechercher biomédicale sur l’alcoolisme de l’ISBRA-ESBRA. Sans être miraculeux, le baclofène se montre efficace pour réduire la consommation d’alcool des patients alcoolo-dépendants.
Les résultats de Bacloville plus convaincants que ceux d’Alpadir
La première étude, Bacloville, multicentrique, nationale, réalisée en double aveugle vs placebo, apporte les résultats les plus convaincants en raison notamment de sa méthodologie dite pragmatique de réduction des risques. Mené en vie réelle, par 60 généralistes libéraux, l’essai a concerné 320 patients recrutés ou spontanément demandeurs et qui pouvaient être aussi consommateurs réguliers de cannabis (27), cocaïne (4), héroïne (2) ou traités par méthadone (17) ou buprénorphine (20). « La vraie vie en somme », explique le Pr Philippe Jaury, investigateur coordinateur de l’étude (département de médecine générale, université Paris Descartes) qui insiste aussi sur l’importance de la durée de l’étude : « un an, c’est beaucoup en comparaison de la durée de la plupart des essais thérapeutiques ».
Au final et même si l’ensemble des aspects de l'étude n’est pas encore totalement passé à la moulinette statistique, une chose est définitive à ce jour : 56,8 % des patients sous baclofène ont rempli le critère primaire d’évaluation, à savoir parvenir à réduire ou stopper leur consommation d’alcool. Contre 36,5 % de ceux du groupe placebo. Commencée à la dose de 5 mg, 3 à 4 fois/j, pour atteindre un maximum de 300 mg/jour, l’ascension posologique s’adaptait à chaque patient. La dose moyenne dans le bras baclofène était de 160 mg/j tandis qu’elle était de 200 mg dans le bras placebo. « Ce sont certes les premiers résultats de l’étude Bacloville, précise le Pr Philippe Jaury, mais ces 20,3 points de différence (p = 0,004) prouvent l’efficacité du baclofène. » Avec 36 % d’efficacité du placebo, « cette étude montre aussi à quel point le soutien médico-psychologique du médecin généraliste permet au patient de moins boire ». La consommation d’alcool au départ était de 13 unités/j et au terme de l’étude plus de la moitié avait au moins réduit sa consommation aux normes fixées par l’OMS.
La suite de l’interprétation des résultats de Bacloville, devrait fournir les données de sécurité, « indispensables à l’évaluation du rapport bénéfice/risque », précise le Dr Laurent Rigal, méthodologiste de l’étude (département de médecine générale Paris Descartes).
Du côté d'Alpadir, les résultats sont moins nets, le critère principal de l’essai qui visait l’abstinence n’a pas été atteint. Les 320 adultes inclus recevaient des doses croissantes de baclofène ou de placebo pendant 7 semaines jusqu’à 180 mg/jour. En cas d’effets indésirables, le traitement a été stabilisé à la dose maximale tolérée. Traités à posologie constante pendant 17 semaines, les sujets étaient progressivement sevrés en médicament puis suivis 4 semaines après à l’arrêt du traitement. Tous bénéficiaient d’un soutien psychologique. Si l’abstinence n’était pas au rendez-vous, le baclofène a permis une réduction de la consommation de -55,1 g/j chez les patients sous baclofène versus -44,2 g/j dans le groupe placebo, avec un effet plus marqué dans le sous-groupe des gros buveurs. « Dans la réduction de la consommation d’alcool, l’effet cliniquement significatif s’est maintenu pendant les six mois de l’étude, explique le Pr Michel Reynaud (psychiatre et addictologue à l’hôpital Paul-Brousse (Villejuif) et président du Fonds Actions Addictions). Ces résultats sont intéressants pour les patients et, de mon point de vue, le baclofène apporte un plus dans l’arsenal thérapeutique. »
Demande d’AMM en vue
En matière de tolérance, les effets indésirables ont été plus fréquents sous baclofène que sous placebo, principalement à type de somnolence, asthénie, vertiges et insomnie. Aucun problème majeur de tolérance n’a été observé. Le laboratoire Ethypharm compte donc engager une demande d’AMM dans cette indication dès que l’étude Bacloville aura été entièrement bouclée. En attendant, la RTU accordée par l’ANSM jusqu’en mars 2017 devrait être revue en novembre à la lueur de ces nouveaux résultats.
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