Deux études parues récemment ont remis le tamoxifène sur le devant de la scène. La première démontre que chez certaines femmes, le tamoxifène n’augmenterait pas les risques de cancer de l’utérus. Les résultats sont publiés dans npj Breast cancer, une revue de Nature. La seconde étude publiée le 6 octobre dans JAMA Oncology montre que les thérapies au tamoxifène et aux inhibiteurs de l'aromatase réduisent le risque de survenue de cancer du sein controlatéral.
Pas d'anomalies de l'endomètre au départ, pas de cancer à l'arrivée
Certaines patientes s’inquiètent de devoir prendre ce médicament comme traitement du cancer du sein à cause des risques accrus de développer un cancer de l’endomètre. Une récente étude américaine pourrait les rassurer. Apparemment, les femmes qui ne présentent pas d’anomalies endométriales en début de traitement ont très peu de chance de contracter une tumeur maligne.
Les chercheurs de l’école de médecine de l’université Loyola de Chicago ont recruté 296 patientes ménopausées souffrant d’un cancer du sein œstrogène récepteur positif précoce. Celles-ci étaient d’une moyenne d’âge de 59,5 ans. Elles ont été divisées en deux groupes : l’un prenait uniquement du tamoxifène et l’autre se voyait prescrire en plus de la progestine. Les participantes ont, ensuite, été suivies et ont dû passer des tests au bout de 2 ans, puis 5 ans. Les scientifiques présumaient que la progestine allait réduire le risque de développer des anomalies endométriales qui peuvent conduire à un cancer de l’utérus.
Pas de différences significatives mais peu d'anomalies
Les participantes ont subi une échographie endométriale au début des travaux puis 2 ans et 5 ans après. Au bout de 2 ans, 67 % des femmes sous tamoxifène seules et 60 % des femmes qui prenaient aussi de la progestine présentaient un épaississement de la paroi intérieure de l’utérus supérieure à 5 mm. Suite à ce constat, les médecins effectuaient une biopsie sur les patientes concernées. Ces examens révélèrent 5 cas d’anomalies endométriales dans le groupe sous tamoxifène : 4 étaient dues à une prolifération endométriale et une à une simple hyperplasie. Dans le groupe sous tamoxiféne et progestine, une seule participante avait une anomalie due à une prolifération endométriale. Aucune des altérations observées n’a évolué en cancer.
Même si les chercheurs ont remarqué des différences entre les deux groupes, elles ne sont pas statistiquement significatives. En effet, deux ans après le début des traitements, seulement 6 % des patientes sous tamoxifène ou 3,6 % des femmes si l’on combine les deux groupes présentaient des anomalies bénignes.
Si le taux d’altérations fut bien plus bas que celui escompté par les spécialistes, c’est probablement à cause des exigences de dépistage au début de l'étude. En effet, toutes les femmes recrutées se devaient de passer une échographie avant de prendre du tamoxifène. Si l’épaisseur de la paroi utérine était supérieure à 5 mm, une biopsie devait avoir lieu. En cas d’anomalie endométriale déjà présente, la patiente était automatiquement exclue de l’étude. « Pour les femmes inquiètes de prendre du tamoxifène pour traiter ou prévenir un cancer du sein, notre étude suggère qu’une échographie avant le traitement pourrait fournir une assurance supplémentaire », explique le Dr Kathy Albain, un des auteurs. « Notre étude montre que pour les femmes qui n’ont pas d’anomalies endométriales lorsqu’elles commencent la prise de tamoxiféne, le risque de développer des conditions prémalignes est très faible », souligne le Dr Ronald Potkul, son co-auteur. Bien sûr un essai très large est nécessaire pour valider ces données avant de changer quoi que ce soit dans les pratiques actuelles, concluent les chercheurs.
Des thérapies pour limiter les risques de cancers controlatéraux
Une autre étude observationnelle a montré une corrélation entre les thérapies au tamoxifène et aux inhibiteurs à l'aromatase et une baisse de risque de la survenue de cancers controlatéraux.
En effet, environ 5 % des femmes développent un cancer controlatéral dans les 10 ans qui suivent le diagnostic de leur premier cancer. Des essais cliniques antérieurs avaient démontré l'utilité des thérapies au tamoxifène citrate pour réduire le risque de récidive du cancer primaire, améliorer le taux de survie et de diminuer les risque de développement de ces fameux cancers. D'autres essais ont révélé que l'usage des inhibiteurs de l'aromatase abaissait aussi ces risques. Cependant, quelle est la durée et l'ampleur de cette protection potentielle par rapport aux traitements données aux femmes en condition réelles ?
C'est pour répondre à ces questions que des scientifiques ont étudié les risques de survenue de cancers controlatéraux chez 7 451 patientes diagnostiquées pour un cancer du sein unilatéral invasif entre 1990 et 2008. L'âge moyen des patientes au moment du diagnostic était de 60,6 ans. Les participantes ont été suivies pendant plus de 6 ans et durant cette période 248 d'entre elles ont contracté un cancer controlatéral.
Ainsi, le tamoxifène a été utilisé par 52 % des patientes pendant 3,3 ans en moyenne. De même, 25,6 % étaient sous inhibiteur de l'aromatase pendant 2 à 3 ans et la moitié d'entre elles prenait également du tamoxifène.
Les résultats indiquent que plus la thérapie au tamoxiféne est longue, plus le risque de contracter un cancer controlatéral diminue. D'après les chiffres, 4 ans de thérapie réduisent le risque relatif de 66 % par rapport aux personnes qui ne sont pas sous tamoxiféne. Cette réduction des risques s'avérait moins importante mais toujours significative 5 ans après avoir arrêté les traitements. Par ailleurs, les scientifiques ont également observé que les inhibiteurs de l'aromatase procuraient également une certaine protection même sans tamoxifène.
Bien sûr, cette étude demeure observationnelle et donc aucun lien de cause à effet ne peut être expliqué. Néanmoins, « Ces résultats de concert avec des essais cliniques suggèrent que les femmes devraient être encouragées à suivre leur traitement jusqu'au bout », arguent-ils.
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