Épiceries spécialisées, restaurants dédiés, recettes revisitées, etc. En quelques années, le “sans gluten” s’est imposé dans notre quotidien, faisant de plus en plus d’adeptes. L’engouement est tel que selon une étude américaine, 35 % des personnes ayant banni le gluten de leur assiette l’auraient fait « sans raison particulière ». Parmi les autres motifs invoqués, le désir de manger plus sainement (26 % des personnes interrogées), la volonté de perdre du poids (13 %) ou encore l’influence familiale (10 %).
La maladie cœliaque, seule indication incontournable…
Pourtant, comme l’a rappelé le Pr Christophe Cellier (Paris), la maladie cœliaque (également appelée intolérance au gluten) reste la seule indication imposant un régime sans gluten (RSG) strict. Et la seule où il est remboursé.
Définie comme une entéropathie auto-immune induite par le gluten chez des sujets génétiquement prédisposés, cette maladie entraîne une destruction des villosités du grêle et une inflammation intestinale à l’origine des symptômes. La suppression totale du gluten permet la repousse des villosités et la disparition des symptômes. Surtout, elle constitue pour le moment la seule façon de prévenir la survenue de complications. « La maladie cœliaque n’est pas une maladie anodine, insiste le Pr Cellier. Elle entraîne une déminéralisation osseuse dans 50 % des cas, s’associe à d’autres maladies auto-immunes (maladie de la thyroïde, diabète, mais aussi dermatite herpétiforme) et favorise la survenue de cancers rares mais extrêmement graves comme la sprue réfractaire, le lymphome T invasif ou l’adénocarcinome du grêle, d’où l’importance du RSG. »
Encore faut-il poser le diagnostic. Officiellement, près de 150 000 personnes seraient concernées en France (1 % de la population), mais ce « chiffre est probablement sous-estimé ». En cause ? Une sémiologie souvent trompeuse ou frustre. Classiquement la maladie coeliaque se traduit par des manifestations cliniques en relation avec une malabsorption (diarrhée avec stéatorrhée, douleur abdominale, amaigrissement et dénutrition, carences, etc.). Mais « cette forme classique est actuellement minoritaire », alors que les formes atypiques, voir silencieuses représentent désormais 80%. Par exemple, « on diagnostique de plus en plus de cas devant une anémie ».
Encore faut-il aussi que les patients puissent suivre ce régime particulièrement contraignant, pour lequel l’observance stagne sous la barre des 50 %.
D’où l’espoir suscité par la recherche. Enzymes visant à hydrolyser le gluten, vaccin permettant de relancer une tolérance orale ou encore anti-Il 15 pour circonscrire la cascade inflammatoire : de nombreuses pistes actuellement à l’étude pourraient permettre un jour de s’affranchir du “sans gluten”. Mais pour le moment, « cela reste très préliminaire ».
Hypersensibilité au gluten, un régime à la carte
La situation est tout autre pour l’hypersensibilité au gluten non cœliaque, qui toucherait près de 5 % de la population française. Décrit depuis peu, ce syndrome dont la physiopathologie reste mal connue est caractérisé par la survenue de symptômes digestifs et extra-digestifs (souvent à type de fatigue, douleur, etc.), déclenchés par l’ingestion de gluten, disparaissant ou s’améliorant avec son exclusion et récidivant lors de sa réintroduction. Il s’agit d’un diagnostic d’exclusion, qui doit être posé en l’absence de maladie cœliaque et d’allergie au gluten. Contrairement à la maladie cœliaque, le RSG n’a ici rien d’impératif, aucune complication n’ayant été décrite. De plus, le rôle réel du gluten reste discuté, certains auteurs suggérant que l’efficacité du RSG dans cette indication pourrait être davantage liée à l’exclusion concomitante de certains aliments comme le Fodmaps qu’à l’éviction proprement dite du gluten. Ceci dit, « si ces patients sont mieux avec un RGS, je n’ai rien contre à partir du moment où il est équilibré ». Tout en sachant que chez ces patients, « on peut facilement proposer un test de réintroduction et des régimes light ».
L’allergie au blé est mieux connue. Véritable allergie alimentaire contrairement à la maladie coeliaque ou à l’hypersensibilité, cette pathologie rare (environ 1/10 000) relève d’un bilan allergologique et n’impose de ne supprimer que l’allergène identifié.
Enfin, concernant le rôle supposé du gluten dans certaines maladies comme l’autisme, les MICI ou encore la fibromyalgie, « on n’a jamais démontré l’intérêt d’un RSG ». De même, alors qu’environ 50 % des sportifs de haut niveau seraient au “sans gluten”, des essais randomisés réalisés chez le cycliste n’ont montré aucun bénéfice.
Côté sécurité, « le gluten n’étant pas une substance nutritive, son éviction n’entraîne pas de complication particulière si le régime est équilibré », rassure le Pr Cellier. Un essai épidémiologique a toutefois montré un surrisque cardiovasculaire chez les patients suivant un régime sans gluten, « peut-être parce qu’ils switchent vers des aliments plus gras ».
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