Cancer, HTA, infarctus….

La dette de sommeil peut coûter cher

Publié le 06/12/2013
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Au-delà de la fatigue, la privation de sommeil peut avoir de nombreuses répercussions sur la santé comme l’ont rappelé les experts réunis lors du récent congrès du sommeil de Marseille. Avec notamment un impact cardio-vasculaire de plus en plus étayé mais aussi, de façon plus surprenante, un rôle probable dans certains processus cancéreux.

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« Près d’un tiers des français adultes dormiraient moins de 6 heures par 24 heures », a rappellé le Pr Damien Léger, responsable du Centre de Sommeil et de la Vigilance de l’Hôtel-Dieu (Paris) et président de l’Institut National du Sommeil et de la Vigilance, lors du récent Congrès du Sommeil (Marseille, 21-23 novembre). Avec, à la clé, « une dette chronique de sommeil associée à des maladies métaboliques (diabète de type 2 obésité), cardiovasculaires mais aussi, de façon plus surprenante, à un risque accru de cancers. »

De fait, selon plusieurs études présentées à Marseille, lors d’une session organisée par la Société Française de Recherche et Médecine du Sommeil, la privation de sommeil chronique pourrait favoriser la survenue de certaines tumeurs... La qualité du sommeil est également impliquée et joue un rôle majeur dans le pronostic thérapeutique de nombreux cancers.

La rupture des rythmes biologiques en question

Le système circadien contrôle plusieurs voies de signalisation moléculaires, dont la dérégulation peut conduire au cancer. Dans les modèles expérimentaux, la destruction du pacemaker hypothalamique (qui coordonne les horloges moléculaires), l’exposition à un décalage horaire chronique, ou la mutation d’un ou plusieurs gènes de l’horloge accélère la cancérogénèse et la croissance d’un cancer transplanté. A l’inverse, l’alimentation programmée, qui amplifie les rythmes, inhibe la croissance tumorale.

En pratique, des études prospectives ont montré que les ruptures du rythme circadien provoquées par le travail en horaires décalés augmentent significativement le risque de cancer, notamment du sein, du côlon et de la prostate (monographie 98 de l’IARC, 2010). De même, la perturbation des rythmes circadiens d’activités-repos ou du cortisol sérique ou salivaire représente un facteur pronostique péjoratif en terme de survie chez des patients atteints de cancer métastatique du côlon, du sein, du rein, de l’ovaire ou du poumon, indépendamment des facteurs pronostiques connus.

« Ainsi certains troubles du sommeil pourraient révéler ou occasionner une disruption du système circadien, dont les conséquences moléculaires favorisent les processus cancéreux, résume le Dr Francis Lévi (directeur de l’Inserm UMRS776, hôpital Paul-Brousse, Villejuif). Une intervention visant à renforcer le système circadien permettrait ainsi de prévenir le cancer ou d’en ralentir l’évolution. »

Le SAS sur la sellette

L’augmentation du risque de cancer dans les troubles du sommeil est particulièrement claire et bien documentée dans le syndrome d’apnées du sommeil. En effet, il est désormais montré que ce syndrome était associé à une augmentation non seulement de la mortalité d’origine cardio-vasculaire mais également de la mortalité toutes causes confondues. Dans une étude (Niet et coll.) incluant 1?522 sujets suivis pendant 22 ans, il a été confirmé, après ajustement pour l’âge, le sexe, l’IMC et le tabagisme, l’existence d’un lien entre cancer et apnées du sommeil. Cette relation était une relation dose-dépendante. Pour un index d’apnées›30 le risque relatif de mortalité par cancer était multiplié par 4,8. De même lorsque plus de 11,2 % du temps d’enregistrement étaient passés avec une saturation en oxygène <90 %, le risque de mortalité par cancer était multiplié par 8,6.

A l’inverse, le cancer et, plus particulièrement, l’annonce de la maladie et la chimiothérapie peuvent être à l’origine de troubles du sommeil. En effet, les troubles du sommeil sont retrouvés chez 30 à 75 % des patients nouvellement diagnostiqués ou récemment traités pour un cancer, taux environ deux fois supérieur à celui de la population générale. Des études ont indiqué que les plaintes de ces patients vont de la difficulté à s’endormir à la difficulté à rester endormis, avec des réveils nocturnes fréquents et prolongés. La fatigue est également une plainte majeure dans cette population et des données récentes suggèrent que cette fatigue pourrait être liée au cycle veille/sommeil ainsi qu’à la qualité et la quantité de sommeil obtenues la nuit.

Le traitement en lui même pourrait aussi être impliqué. Les femmes présentant des troubles du sommeil au début de la chimiothérapie les voient s’aggraver durant le traitement. Une étude (S. Ancoli-Israël et coll.) a, par ailleurs, montré que la première séance de chimiothérapie était associée à une perturbation transitoire de la rythmicité circadienne, alors qu’un traitement répété entraine des altérations progressives plus durables de l’organisation des rythmes.

Dr Brigitte Vallois

Source : lequotidiendumedecin.fr