Perte de poids, amélioration des paramètres métaboliques, réduction des événements cardiovasculaires et de la mortalité etc. Au fil des années et des publications, la chirurgie bariatrique a confirmé son efficacité et sa légitimité pour le traitement de certaines obésités morbides.
47 000 interventions en 2014
En parallèle, le nombre d’intervention a explosé en France passant de 15 000 actes en 2006 à près de 47 000 en 2014, soit plus que le nombre d’opérations pour cancer du côlon ! Or, malgré cette montée en puissance, le suivi des patients opérés reste le parent pauvre de la prise en charge comme l’a récemment dénoncé l’Académie de Chirurgie. Pour l’institution, qui a organisé fin janvier une réunion d’experts sur ce thème, en partenariat avec la Société Française et Francophone de Chirurgie de l’Obésité et des Maladies Métaboliques,
« il y a une injonction contradictoire avec, d’un côté, un consensus pour reconnaître l’importance et le caractère incontournable du suivi des patients opérés mais, de l’autre, peu de moyens pour mettre en œuvre
ce suivi », résume le Pr François Pattou (Lille). De fait alors que la chirurgie en elle-même est codifiée et remboursée, le suivi post-opératoire reste beaucoup moins cadré avec certains actes non pris en charge comme la consultation de diététique ou le suivi psychologique. En 2009, la HAS a pourtant émis des recommandations prônant un suivi « la vie durant » avec au moins 4 rendez-vous annuels la première année, puis 1 à 2 ensuite.
Mais ces recommandations sont « peu spécifiques et difficiles à mettre en œuvre » et globalement peu appliquées. Une étude réalisée à partir des données de la CNAM dans la région Nord-Pas-de-Calais montre ainsi que seuls la moitié des patients opérés ont bénéficié d’au moins 3 consultations de suivi dans l’année suivant l’intervention. Une métanalyse publiée dans le JAMA confirme le phénomène à plus large échelle avec, dans ce travail, sur 7 000 essais screennés seulement 20 retrouvant au moins 80 % de patients toujours suivi deux ans après l’intervention.
Un risque de reprise de poids
Or ce défaut de suivi peut être délétère à la fois en terme de complications mais aussi en termes d’efficacité de la chirurgie, « avec un risque inexorable de reprise de poids en l’absence de suivi optimal », alerte le Pr Pattou. Côté complications, « les services de réanimation voient, par exemple, réapparaître d’authentiques encéphalopathies de Gayet-Wernicke par déficit en vitamine B chez des patients perdus de vue après la chirurgie ».
Dans ce contexte, faut-il lever le pied sur la chirurgie bariatrique ? Alors que le France est dans le tiercé de tête des pays pratiquant le plus ce type d’intervention, juste derrière les États-Unis et le Brésil, la question peut se poser, d’autant que certains praticiens s’inquiètent déjà d’un glissement des pratiques avec un risque potentiel d’abus d’indications notamment à visée esthétique. « S’il y a peut-être des dérives, le phénomène reste très marginal, rassure le Pr Pattou, le remboursement de cette chirurgie étant soumis à entente préalable ». Pour ce spécialiste plutôt que de tabler sur une restriction des interventions, mieux vaut donc organiser l’avenir.
À ce titre l’Académie de chirurgie fait plusieurs propositions pour améliorer les choses comme la valorisation incitative par l’Assurance maladie du suivi postopératoire, la participation d’autres professionnels de santé dans le cadre de coopérations interprofessionnelles, la labellisation de centres organisés pour assurer le suivi des patients opérés, ou encore la collaboration avec les associations de patients pour promouvoir le suivi post-opératoire auprès des patients opérés.
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