La SEP touche environ 100 000 personnes en France. « Il y a cinquante ans, le sex-ratio était de deux femmes pour un homme atteints de SEP. Aujourd’hui, il est passé à trois femmes pour un homme », souligne le Pr Thibault Moreau (service de neurologie du CHU de Dijon , président du comité scientifique de la fondation ARSEP), qui qualifie cette évolution de spectaculaire.
Des causes mieux cernées
Une évolution qui pose la question des facteurs déterminant de la maladie. Ceux-ci sont aujourd’hui beaucoup mieux compris, relève le Pr Moreau. Le tabac en fait partie. Il augmente en effet, de façon modérée, le risque de contracter une sclérose en plaques. De fait, pendant la période correspondant à l’évolution du sex-ratio, on a observé une nette augmentation du tabagisme féminin. Le Pr Jean Pelletier (service de Neurologie, CHU La Timone) confirme : «Les patients atteints de SEP qui fument ont une évolution nettement plus défavorable que les malades non tabagiques ». A coté de ce rôle établi du tabac, le changement du mode de vie des femmes – qui travaillent d’avantage et ont des grossesses plus tardives et moins fréquentes du fait de la pilule – a, selon le Pr Moreau, influé sur cette évolution de la répartition femmes/hommes de la SEP.
Autre facteur causal d’environnement : le virus Epstein- Barr. On sait, en effet, qu’une rencontre avec ce virus, surtout lorsqu’une mononucléose infectieuse clinique est décelée, va de pair avec une augmentation du risque de contracter une sclérose en plaques. On constate également que les malades atteints de sclérose en plaques ont une positivité très significative pour ce virus. On pense que l’EBV a probablement un rôle de cofacteur dans le déclenchement de la maladie. Lors du congrès de l’ECTRIMS, ont été aussi évoqués comme facteurs d’environnement, l’obésité et le manque d’exposition au soleil.
Au chapitre des causes, Jean Pelletier insiste également sur les facteurs de susceptibilité génétique. Il s’agit d’un assemblage de gènes prédisposant à la SEP. C’est sur ce terrain génétique que vont agir les facteurs d’environnement pour déclencher la réaction immunitaire, cause de la maladie. Une communication du Karolinska Institute (Stockholm, Suède) a identifié une centaine de polymorphismes génétiques liés à la SEP. Reste à déterminer leur impact exact sur le déclenchement de la maladie.
Une fréquence des poussées divisée par deux.
Autre avancée, selon le Pr Pelletier, le diagnostic de SEP se fait aujourd’hui de façon beaucoup plus précoce par un seul examen IRM au décours d’une poussée. D’où, dans les forme avec poussées (80% des SEP), un gain de temps conséquent pour mettre en route un traitement et bloquer l’évolution de la maladie.
« Il est possible aujourd’hui de diviser par deux la fréquence des poussées, (qui correspondent à des inflammations focales) », précise le Pr Moreau.
Et ce du fait du développement, depuis quinze ans, de médicaments bloquant de manière spécifique la réaction auto-immune. Celle-ci est due à l’activation de lymphocytes T programmés pour se rendre dans le système nerveux central et y attaquer la myéline. Ces molécules sont d’une part, le Fingolimod (Gilenya®) qui empêche les lymphocytes T activés d’aller dans le cerveau et la moelle épinière pour entretenir la réaction inflammatoire. D’autre part, le natalizumab (Tysabri®) qui bloque la barrière hémato-encéphalique et, donc, le passage des lymphocytes T dans le SNC. Des intervenants de l’ECTRIMS ont de nouveau évoqué le risque déjà connu lié à l’usage de ce médicament de leuco-encéphalopathie multifocale progressive (PML) associée au virus JC (isolé pour la première fois en 1971 chez un patient, John Cunningham dont les initiales ont donné le nom au virus), bien que l’on reconnaisse que les bénéfices de la molécule surpassent ses risques dans le traitement de la sclérose en plaques (SEP) récurrente-rémittente hautement active.
Tous ces médicaments, inhibant la réaction inflammatoire, évitent ou diminuent la fréquence des poussées, retardant l’apparition de handicaps et de séquelles. D’où un meilleur pronostic de cette forme de SEP. « Sur l’autre forme de SEP, dite progressive (sans poussées), nous sommes pour l’instant démunis », relève le Pr Pelletier.
Une qualité de vie améliorée
Cette diminution de fréquence des poussées améliore fortement la qualité de vie des patients. Amélioration apportée également par les traitements des poussées par voie orale, apparus depuis peu alors qu’ils n’existaient auparavant que sous forme injectable. Ils sont bien tolérés et sans grand risque reconnu. Il s’agit pour l’instant du diméthyl fumarate (Tecfidera®) administré à la posologie de deux cp/j. Un autre traitement oral fabriqué par Sanofi, le teriflunomide (dont la dose sera de un cp/j) devrait arriver à l’automne. « C’est important, notamment, pour des gens jeunes qui font du sport, qui voyagent », souligne Thibault Moreau, qui rappelle que la SEP atteint souvent des patients vers la trentaine. D’autres thérapeutiques, prenant en charge divers symptômes associés à la SEP, contribuent à normaliser la vie quotidienne des patients, poursuit le Pr Moreau.
Ainsi, la toxine botulique intra-vésicale pour les malades présentant des troubles sphinctériens urinaires avec des fuites a été, selon lui, une « avancée très importante ». De même, les troubles sexuels associés à la SEP sont maintenant mieux traités (médicaments de la dysfonction érectile, prise en charge par un sexologue…).
Autre progrès : le Fampyra®, inhibiteur potassique, améliore le passage du courant électrique nerveux chez les personnes démyélinisées. Cela permet aux patients répondeurs de gagner en résistance à l’effort et, donc, de marcher plus longtemps. Un médicament à base de cannabidiol, le Sativex®, qui a obtenu son AMM, est attendu pour une commercialisation en 2015. Il s’agit d’un spray intra buccal pour lutter contre les grandes spasticités résistantes, qui devrait grandement améliorer le quotidien des malades.
Ce changement dans la qualité de vie des patients est également dû à une spécificité hexagonale avance le Pr Pelletier : la mise en place de réseaux de soins dédiés à cette pathologie dans toutes les régions françaises. Ces réseaux permettent de former des professionnels de santé médicaux et paramédicaux, autorisant ainsi la prise en charge multidisciplinaire de cette maladie (soins psychologiques, kinésithérapiques, prise en charge de patients jeunes perdant leur activité ou nécessitant un reclassement…).
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