Sociétés savantes, institutions officielles et même grandes revues médicales… au cours de ces dernières semaines, plusieurs voix de la communauté scientifique sont montées au créneau pour mettre en garde contre la cigarette électronique. Le feu couvait depuis longtemps et dès cet été, l’OMS avait ouvert le bal, jugeant qu’en l’état actuel des données de la science, la vape ne pouvait être recommandée comme une aide au sevrage.
Depuis, l’épidémie de pathologies pulmonaires liées au vapotage qui sévit aux états-Unis (avec 26 morts et 1 300 personnes atteintes en date du 8 octobre) a accéléré le mouvement en ravivant la crainte d’une toxicité pulmonaire aiguë. Même si la piste du mésusage semble privilégiée (parmi les sujets atteints, 75 % utilisaient des produits issus du cannabis), la cause exacte de cet épisode reste inconnue et la tendance est à la prudence.
« DON’T smoke, DON’T Vape »
Début Octobre, la Société européenne de pneumologie a donc emboîté le pas à l’OMS et s’est prononcée, lors de son congrès annuel, contre l’usage de la e-cigarette y compris dans une optique de sevrage. Avec son nouveau mot d’ordre, « DON’T smoke, DON’T Vape », la société savante a choisi d’aligner sa position envers tous les nouveaux dérivés du tabac sur celle concernant la cigarette. Dans la même veine, le Lancet a publié samedi un éditorial sans concession appelant à mettre sur le même plan vapotage et cigarette en termes de santé publique. Tout en se montrant moins sévère que l’ERS, la Société de pneumologie de langue française a appelé elle aussi à la prudence. « Nous ne sommes pas pour l’instant dans une posture de bannissement systématique de la cigarette électronique, mais plutôt dans une attitude de restriction drastique des situations dans lesquelles on peut tolérer son utilisation », a expliqué son président lors d’une conférence scientifique. Pour le Pr Nicolas Roche, « l’utilisation de la cigarette électronique ne peut être acceptée que dans le cadre de tentatives de sevrage tabagique, en seconde intention ».
L’innocuité en question
Autant de prises de position qui traduisent le flou persistant autour du rapport bénéfice - risque du vapotage. Avec d’un côté une efficacité en termes de sevrage qui ne convainc pas encore complètement, et de l’autre de plus en plus d’interrogations sur les effets délétères potentiels.
Globalement, tout le tout monde s’accorde sur le fait que l’e-cigarette ne peut être que moins nocive que la cigarette classique. Mais « nous n’avons aucune preuve de son innocuité », insiste Nicolas Roche. Et si « sa toxicité clinique n’est pas démontrée, nous avons des preuves irréfutables de toxicité biologique avec des effets mesurables chez l’animal ». Une étude récente menée chez la souris suggère même que la nicotine vapotée pourrait être cancérogène… Mais pour le Pr Bertrand Dautzenberg (Pitié Salpêtrière, Paris), tabacologue convaincu de l’utilité de la vape, « toutes ces études menées sur des “cellules de poulet” n’ont aucune valeur dans la mesure elles sont conçues à l’avance pour être positives ».
L’efficacité de la cigarette électronique comme outil de sevrage est aussi discutée. En France, Santé publique France estime que 700 000 fumeurs quotidiens ont arrêté de fumer grâce à la cigarette électronique entre 2010 et 2017. Une étude randomisée parue au début de l’année dans le NEJM suggère par ailleurs que la vape serait presque deux fois plus efficace que les substituts nicotiniques, avec des taux d’abstinence de 18 % à un an. Mais ces données sont insuffisantes pour conclure, estiment les pneumologues qui s’inquiètent par ailleurs du fort taux de sujets qui continuent à vapoter une fois sevrés de la cigarette.
Une crainte que balaie le Pr Dautzenberg. « La plupart des vapoteurs s’arrêtent de vapoter rapidement », affirme-t-il, tout en soulignant que « contrairement à la cigarette classique, la vape ne produit pas de pics de nicotine et n’entretient donc pas la dépendance ».
« Je ne suis pas pour la cigarette électronique mais contre le tabac », insiste le tabacologue, qui comme de nombreux addictologues défend la politique du « moins pire ». Il s’inquiète que le bashing actuel de la e-cigarette ne débouche sur une reprise du tabagisme. En septembre, les ventes de e-cigarettes auraient chuté de 20 à 30 %, tandis que celles des cigarettes classiques sont restées stables alors qu’elles baissaient depuis plusieurs mois.
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