Dans le cadre d’une campagne lancée par la Société européenne de gastroentérologie, hépatologie et nutrition pédiatrique (Espghan), les différentes sociétés savantes de gastro-entérologie et de pédiatrie européennes souhaitent informer et sensibiliser grand public et professionnels de santé à propos des douleurs abdominales fonctionnelles (DAF).
Cette affection toucherait jusqu’à 30 % des enfants d’âge scolaire dans le monde, altérant leur qualité de vie et favorisant l’absentéisme, une prévalence qui varierait selon les publications. Si les douleurs abdominales chroniques et récurrentes sont une plainte courante en consultation adulte et enfant, seulement 10 % des cas cacheraient une maladie organique, laissant ainsi la place aux douleurs dites fonctionnelles. « La condition pour définir la douleur comme fonctionnelle est qu’il n’y a rien d’autre qui peut l’expliquer, c’est une entité assez large finalement », introduit la Dr Sandra Brancato, pédiatre et membre de l’Association française de pédiatrie ambulatoire (Afpa).
L’anxiété comme dénominateur commun
Chez l’enfant, les DAF sont une plainte d’allure bénigne sans autres symptômes apparents, souvent de localisation péri-ombilicale et qui ne s’accompagnent pas, ou peu, de troubles du transit intestinal. « Il n’y a pas de substrat anatomique à ces douleurs, ce sont des enfants chez qui l’examen clinique ne retrouve pas grand-chose », complète la Dr Brancato. L’intensité est variable, allant d’un score 3-4 à 8-9 sur l’échelle visuelle analogique (EVA) de la douleur, selon les enfants. Le sex-ratio est globalement de 1:1 chez les petits, mais aurait tendance à pencher en faveur d’une prévalence féminine à l’adolescence. Enfin, ces DAF se rangent auprès des autres pathologies fonctionnelles qui touchent les pays occidentaux, telles que les régurgitations du tout-petit, les coliques du nourrisson ou encore la colopathie fonctionnelle de l’adulte.
Si l’origine des DAF n’est pas élucidée, l’anxiété se présente comme un facteur de risque majeur. « Les enfants touchés ont des tempéraments à s’inquiéter de l’école, de leur environnement, de la situation familiale… Chez les adolescentes, cela peut souvent avoir un lien avec l’école », détaille la Dr Sandra Brancato. Les pathologies infectieuses ayant touché la sphère digestive semblent également être une piste, « les enfants qui ont eu mal au ventre vont parfois présenter des DAF plus tard ». « Le dénominateur commun reste dans tous les cas l’anxiété », tranche la pédiatre.
La prise en charge passe par la réassurance
En consultation de médecine générale ou de pédiatrie, afin de répertorier la plainte de douleurs abdominales, un examen clinique complet est réalisé. Si celui-ci ne relève aucune anomalie et/ou autres symptômes, tels que fièvre, perte de poids, vomissements, anomalie de la courbe staturo-pondérale ou troubles du transit, la piste fonctionnelle peut être envisagée. En présence d’un de ces symptômes, l’enfant peut être orienté vers un gastro-entérologue ou un gastro-pédiatre. « En cas d’examen clinique parfait et sans alerte, les critères de Rome IV* permettent de poser le diagnostic de DAF, il n’y a pas lieu d’engager d’examens particuliers », explique l’experte.
L’essentiel de la prise en charge repose sur la réassurance de l’enfant et de ses parents. « Il faut leur expliquer qu’il n’y a pas de maladies sous-jacentes, dire à l’enfant qu’il va bien, tout en lui signifiant que ses douleurs sont réelles et que nous allons nous en occuper », explique la Dr Brancato. La pédiatre insiste également sur la pression que peuvent faire peser les parents sur leur enfant créant un climat anxiogène autour des DAF. « C’est à l’enfant de rapporter les douleurs, l’important pour les parents est de le rassurer et de noter la fréquence des plaintes », poursuit-elle. Des antalgiques de classe I, comme le paracétamol et les anti-spasmodiques, peuvent être prescrits pour les épisodes aigus, et une évaluation du régime alimentaire peut être faite à la recherche d’une consommation accrue d’aliments favorisant les gaz et les ballonnements. Les probiotiques, les compléments alimentaires et les régimes d’exclusion n’ont montré aucune efficacité ; les médecines alternatives peuvent se révéler utiles sur la maîtrise des techniques de relaxation et de respiration « chez les enfants assez grands pour comprendre les enjeux de ces thérapies », avertit la pédiatre. « Dans 80 % des cas, il y a une amélioration globale lorsqu’enfants et parents sont rassurés et apaisés. Il faut être optimiste et tranché en expliquant qu’il n’y a pas de crainte à avoir et que nous allons les revoir même si tout va bien », conclut-elle. Si les DAF persistent, la recherche d’une maladie cœliaque peut être envisagée.
Pour l’Espghan, il y a beaucoup à faire au sujet des DAF qui génèrent de nombreuses visites et des examens répétés. Chaque société savante a ainsi reçu, dans sa langue, des posters et des affiches pour communiquer auprès du grand public et des médecins. « En matière de prise en charge et de diagnostic des douleurs abdominales fonctionnelles, il est important d’éviter le surdiagnostic et le risque que les enfants subissent des procédures de diagnostic invasives et inutiles. En rassurant et en soutenant les enfants et leur famille et, si nécessaire, en intégrant d’autres traitements, il est possible d’aider et de soigner jusqu’à 80 % des enfants dans les deux ans qui suivent la consultation médicale », déclare le Pr Marc Benninga, gastro-pédiatre et expert Espghan, dans un communiqué.
Les critères de Rome IV
- Douleur abdominale épisodique ou continue qui dure au moins 4 jours par mois pendant au moins 2 mois
- Douleur qui ne survient pas uniquement pendant les repas ou les règles
- Critères insuffisants pour d’autres troubles gastro-intestinaux fonctionnels
- Douleur abdominale qui n’est pas entièrement expliquée par une autre affection médicale
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