Le cannabis entretient une relation ambivalente avec la schizophrénie. D’un côté, il est établi que sa consommation a tendance à faire émerger ou aggraver des symptômes psychotiques chez des jeunes prédisposés ou vulnérables. Il peut aussi provoquer des rechutes aiguës d’autant plus facilement que la concentration en THC (TetraHydroCannabinol) est élevée. Mais a contrario, les anciens schizophrènes fument souvent du cannabis pour ses vertus apaisantes.
Cannabidiol, des propriétés anti-psychotiques
Au-delà de ce constat, la littérature fait état des propriétés antipsychotiques du cannabidiol (CBD), une des 60 substances contenues dans le cannabis. L’atout majeur du cannabidiol est de ne pas induire de dépendance, à l’inverse du THC qui est addictif et pourvoyeur de symptômes psychotiques. De plus, « le THC et le cannabidiol ont des effets diamétralement opposés sur la mémoire et l’anxiété », souligne le spécialiste de la question, le Dr Sagnik Bhattacharyya (King's College, Londres). Le CBD peut même bloquer certains effets du THC sur l’émergence de troubles psychotiques. Chez des patients à haut risque clinique, une étude clinique sur 16 patients traités par CBD contre 17 patients sous placebo montre une diminution des scores symptomatiques sous CBD avec une réduction de la détresse associée aux symptômes psychotiques. L’adhésion au traitement, un vrai problème en pratique courante, n’est pas moins bonne qu’avec le placebo et permettrait de diminuer les doses de l’antipsychotique associé.
Le CBD pourrait trouver une place dans la période de transition après le premier épisode psychotique, où les thérapies cognitivo-comportementales sont inefficaces et la rispéridone mal tolérée. Même chez des patients plus ancrés dans la maladie, il aurait des vertus anti-rechutes. Des études observationnelles montrent que le CBD apporte une certaine protection vis-à-vis des décompensations sous cannabis, mais il n’y a pas de conclusion définitive.
Au-delà de la schizophrénie, le CBD pourrait aussi avoir des effets bénéfiques dans les hallucinations ou les délires survenant dans le cadre des maladies de Parkinson ou d’Alzheimer.
Des psychédéliques contre la dépression ?
Si le CBD agit sur le récepteur 5HT1 de la sérotonine, les psychédéliques type LSD ou psilocybine – principe actif de certains champignons hallucinogènes – ont une similitude avec la sérotonine et se fixent avec une forte affinité sur le récepteur 2A. Des études récentes montrent qu’ils peuvent agir sur l’humeur en dehors des “expériences mystiques”.
Ces effets sur l’humeur et le comportement sont originaux car ils modifient à long terme l’attitude générale face à la vie. Par exemple, la psilocybine s’oppose à une activation trop intense du cortex frontal présente dans la dépression, ce qui limite les ruminations mentales. Les souvenirs autobiographiques sont rappelés sans les biais négatifs dus à la dépression et aux idées noires. Sur 423 patients traités par LSD ou psilocybine, Rucker et al. constatent, dans une revue de la littérature, une amélioration de 80 % des signes cliniques de la dépression unipolaire. Le Dr David Erritzoe (Imperial College, Londres) insiste sur l’importance du décor avec de la musique et un entourage soignant attentionné. « La nature de l’expérience est prédictive du bénéfice à long terme », assure le spécialiste. Selon une étude réalisée sur 20 patients, le score QIDS (Quick Inventory of Depressive Symptomatology) passe de 2,2 à 1,6 en six mois en deux séances évaluant 10 puis 25 mg de psilocybine. L’étude de la tolérance objective l’absence de dépendance et de toxicité somatique. Une étude pilote est en cours dans les dépressions résistantes.
Au-delà de ces effets sur l'humeur, « les psychédéliques agonistes sérotoninergiques ont également montré une efficacité significative dans d’autres pathologies telles que le trouble obsessionnel compulsif, la dépendance au tabac, à l’alcool et à la cocaïne, les angoisses liées à la fin de vie et les algies vasculaires de la face », rapporte le Dr Sami Sergent (Toulouse).
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