Alors que dans ses récentes « Recommandations pour le troisième Plan cancer », le Pr Vernant préconise de « limiter la pratique du dépistage individuel par coloscopie de première intention », l’expérience allemande rapportée lors du congrès UEGW (Berlin, 12-16 octobre 2013) plaide au contraire pour une intégration plus large de l’endoscopie dans les programmes de dépistage.
Outre-Rhin (comme aux Etats-Unis) plusieurs länder ont, en effet, choisi de proposer la coloscopie en première intention à tous les sujets de plus de 55 ans éligibles au dépistage qu’ils soient à haut risque de cancer ou non. Le bilan dressé à Berlin par le Dr Christian Pox (Bochum) montre que cette stratégie est payante. « Malgré un faible taux de participation (moins de 20 % des sujets éligibles), les taux de détection du cancer ont été excellents, avec des cancers asymptomatiques détectées à un stade précoce chez environ une personne dépistée sur 100 (0,9% de la population étudiée). Des adénomes ont été trouvés chez environ 1 personne sur 5 (19,4% de la population étudiée). Les taux de complications ont été jugés très faible, avec moins de trois coloscopies sur mille associées à une complication principalement hémorragique. » Une étude publiée en 2013 dans le NEJM va dans le même sens et montre qu’une coloscopie tous les 10 ans éviterait 40% des cancers colorectaux. Et, globalement, « beaucoup de données observationnelles montrent que la coloscopie réduit significativement le risque de cancer et la mortalité par rapport aux tests fécaux », résume le Dr Bruno Richard-Molard, président de la SFED. Une première étude comparant directement coloscopie et test fécaux, à paraître l’année prochaine aux états-Unis, « devrait venir confirmer cette tendance », indique le Dr Richard-Molard.
Faut-il pour autant substituer l’endoscopie au test fécal ? Pas forcément répond le le président de la SFED qui milite plutôt pour un dépistage souple laissant son libre arbitre au patient. « Ce qu’on préconise, c’est un programme de dépistage dans lequel on pourrait dire aux patients : vous pouvez opter pour le dépistage basé sur les tests fécaux mais si vous le souhaitez vous pouvez aussi faire une coloscopie à 50 ans puis une dix ans plus tard si tout est normal. »
Lettre ouverte pour la coloscopie
« Exclure du dépistage par coloscopie les personnes qui réclament cette méthode de prévention efficace pose la question même de la responsabilité collective », indique pour sa part la SFED qui vient d’adresser une lettre ouverte à la ministre de la Santé dans laquelle elle demande que la proposition « litigieuse » du rapport Vernant soit « proscrite du plan Cancer ».
L’INCa ne semble pas voir les choses du même œil : « La coloscopie est évidemment l’examen le plus performant, mais c’est aussi le plus invasif, avec des complications rares, mais parfois sévères », tempère le Dr Jérôme Viguier, son directeur du pôle Santé publique & Soins. Le risque de faible adhérence à un programme basé sur la coloscopie et son surcoût à court terme sont aussi pointés du doigt. Enfin, « il y a tout un débat sur les cancers du côlon droit qui interviennent sur des polypes particuliers (polypes festonnés) parfois difficile à repérer en endoscopie », reconnaît le Dr Richard-Molard.
Dans ce contexte, pas sûr que la France prenne exemple sur son voisin et encourage la coloscopie à large échelle. Actuellement, en France, la coloscopie est préconisée « pour les personnes porteuses de symptômes digestifs suspects, pour les personnes à risque génétique de cancer colorectal, et pour les personnes à risque élevé, en raison d’un antécédent personnel ou familial de cancer ou d’adénome ou de
maladie inflammatoire chronique intestinale », rappelle le Dr Viguier. Pour les sujets de plus de 50 ans « tout venant », l’Hemoccult® reste la règle en première intention en attendant les tests immunologiques…
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