En France, la chirurgie bariatrique connaît un gros succès ! Le nombre de patients qui en ont bénéficié a été multiplié par 3 entre 2006 et 2014, pour atteindre plus de 50 000 interventions par an. Pourtant, dans le même temps, le pourcentage de patients obèses (IMC ≥ 30) est resté pratiquement le même, soit entre 16 et 17,5 % chez les hommes et les femmes, d’après le BEH (13/06/17). Au total, la France a un des taux de chirurgie bariatrique les plus élevés des pays occidentaux, alors que la prévalence de l’obésité est inférieure à beaucoup d’autres pays européens. Cet engouement s’explique bien sûr par les bons résultats sur la perte pondérale, la rémission significative des comorbidités et l’amélioration de la qualité de vie des malades obtenue grâce à ces interventions.
Seulement voilà, le succès grandissant de la chirurgie bariatrique ne se fait pas sans problème. Ce sont surtout les complications à moyen et long terme qui inquiètent. À tel point que l'Académie nationale de médecine a publié en décembre dernier un rapport pour « améliorer le suivi des patients après chirurgie bariatrique ». Un groupe de travail a été constitué sous la présidence du Pr Claude Jaffiol, endocrinologue et ancien président de l’Académie nationale de médecine. Avec l’appui de différentes enquêtes effectuées auprès de patients opérés et de professionnels de santé, dont des généralistes (lire encadré), ce groupe de travail a proposé des « solutions permettant de surmonter les difficultés du suivi et de limiter le nombre des perdus de vue. »
Dans beaucoup de pays, dont le nôtre, le suivi des patients est jugé « alarmant » : « En France, 5 ans après la chirurgie, la qualité du suivi peut être considérée comme satisfaisante chez seulement 12 % des patients. » S’ensuivent alors des risques de complications médicales à moyen et long terme, avec des carences nutritionnelles parfois graves pouvant être à l’origine de séquelles importantes, mais aussi des risques de regain de poids. Une carence martiale serait observée chez entre 30 et 50 % des patients opérés. Selon une série de la Mayo Clinic, 16 % d’entre eux ont développé une atteinte neurogène périphérique, liée à un déficit en vitamine B. Une surveillance médicale inclut aussi la prévention de différents problèmes, comme le risque de calculs vésiculaires après l’opération.
Les complications médicales de la chirurgie bariatrique
À côté des complications chirurgicales, celles d’ordre médical peuvent dépendre de l’intervention elle-même, mais aussi des différentes comorbidités liées à l’obésité. Voici les principales notées dans le rapport de l’Académie de médecine : - Les carences en vitamines, en particulier B1 et B12. Elles peuvent être déjà présentes avant la chirurgie. Le bypass gastrique engendre plus de déficits nutritionnels que la sleeve gastrectomie. Les symptômes révélant ces déficits sont nombreux, avec en particulier des manifestations neurologiques parfois graves. - Les complications digestives. Les dumping syndromes sont assez fréquents après ce type de chirurgie. Des calculs biliaires peuvent être liés à l’obésité mais aussi à la perte pondérale. En cas de reflux gastro-œsophagien post-opératoire, des inhibiteurs de pompe à protons sont prescrits. - Les complications osseuses. Une hyperparathyroïdie secondaire est possible après l’intervention par carence en vitamine D. - Les troubles urinaires. Un risque de lithiase ou d’hyperoxalurie augmente après cette chirurgie. - Les problèmes psychologiques et d’addiction. Il existerait un risque d’augmenter la consommation de tabac, d’alcool et de drogues, avec aussi plus d’accidents et de suicides que dans la population générale. D’autres carences sont possibles : en vitamines A, D, E, B6, B9, fer, calcium, zinc, sélénium, magnésium et cuivre.
Le généraliste au centre
Les différentes publications des sociétés savantes et de la Haute autorité de santé (recommandations de 2009, fiche d’information pour le médecin traitant, fiches descriptives des indicateurs de qualité et de sécurité des soins) s’avèrent très insuffisantes pour encadrer cette pratique chirurgicale et son suivi. Actuellement, en France, plus de 400 services et établissements publics et privés effectuent la chirurgie bariatrique, « mais les pratiques diffèrent beaucoup d’un centre à l’autre », explique le Pr Claude Jaffiol. « Pour améliorer les choses, la labélisation des services de chirurgie est importante, en s’assurant qu’ils ont bien une expérience suffisante, avec un nombre minimal d’interventions annuelles (30 voire plus) et qu’ils mettent en place systématiquement des réunions de concertation préalable (RCP) à l’intervention avec psychologue, diététicien, nutritionniste… Pour éliminer les patients à risque (instabilité psychologique, pulsions alimentaires, etc.). »
Dans son rapport, l’Académie de médecine insiste pour que le médecin traitant soit associé à la décision d’indication opératoire (lire l’interview du Pr Claude Attali). « Il est également le mieux placé pour suivre régulièrement les patients opérés, qui doivent prendre conscience qu’ils souffrent d’une maladie chronique nécessitant un suivi particulier. Mais encore faut-il que le praticien s’investisse… », conclut le Pr Jaffiol.
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