Un E. coli, résistant à tous les antibiotiques, inquiète les États-Unis. Récemment, et pour la première fois sur le continent américain, une femme de 49 ans a contracté une infection urinaire communautaire à une souche mutante de la bactérie E. Coli dite MCR1 qui résiste à tous les antibiotiques, y compris la colimycine, selon une étude publiée le jeudi 2 juin dans la revue Antimicrobial Agents and Chemotherapy.
Le colibacille à BLSE est en ville
Quasi simultanément, au 5e Colloque de Bobigny, le Pr Jean Carlet (réanimateur, président de l’Alliance mondiale contre la résistance aux antibiotiques) a rappelé que ces bactéries résistantes à tout (carbapénèmes et colistine) ont déjà été détectées en Chine et en Europe. Il a souligné la possibilité d’épidémie de souches résistantes porteuses de BLSE (bêta-lactamase à spectre élargi) car la résistance plasmidique est transférable entre bactéries et même si la bactérie américaine n’a pas encore livré tous ses secrets, le colibacille à BLSE est en ville.
Le Dr Katherine Fleming Dutra (CDC, Atlanta) montre que sa fréquence est passée de 0,6 à 1 % entre 2006 et 2011. La relation entre consommation d’antibiotiques et émergence de résistance est évidente et nous invite à repenser la surprescription antibiotique. « 90 % des antibiotiques sont prescrits en ville dont 70 % par les généralistes », a indiqué le Dr Jacques Birgé (Nancy). Une étude récente du Jama estime la surprescription antibiotique à 30 % des cas et à même 50 % pour les infections des voies aériennes supérieures.
Les TROD ne sont pas assez déployés
Au-delà de l’inadéquation du traitement, il est question de représentation et d’attentes des patients : les médecins pensent qu’ils ne sont pas légitimes s’ils s’abstiennent d’antibiothérapie et ils se sentent démunis dans la prise en charge d’un état fébrile.
Pourtant d’autres stratégies existent. Pour François Pesty (pharmacien, expert-conseil en visite médicalisée des délégués de l'Assurance Maladie), « les TROD (test rapide d’orientation diagnostique) ne sont pas assez déployés bien que deux leviers capitaux existent : les scores cliniques ne permettent pas de prédire l’origine bactériologique d’une infection et il existe une surestimation des attentes des patients par rapport aux antibiotiques ».
Dans les angines, seulement 30 % des médecins utilisent actuellement le Strepto-test. Les bronchites, sinusites otite et grippe constituent également un gros contingent de surtraitement antibiotique. Un groupe de travail planche sur des tests biologiques rapides avec une simple piqûre au doigt pour tester la CRP (C-Reactive Protein) et PCT (procalcitonine) témoignant d’un état inflammatoire et qui, en cas de négativité, permettent d’éliminer une cause bactérienne et d’éviter un traitement antibiotique. Les Pays Bas généralisent cette technique.
D’autres stratégies incitatives sont explorées : limitation de la durée à 7 jours, modifier l’objectif ROSP ou une action plus ciblée sur les gros prescripteurs mais sans aller trop loin. La thèse de Sophie Wang sur 17 pays montre que certains d'eux comme le Canada demandent une entente préalable pour certains antibiotiques. Ce travail montre qu’il y a, en France, une vraie résistance culturelle à ce genre de rationalisation qui pourrait s’assimiler à de la coercition.
Une solution pourrait venir de la visite médicalisée comme l’a expliqué François Pesty en se référant à son expérience en 2005-2007 en Languedoc-Roussillon avec des délégués de l’Assurance-Maladie. La valeur ajoutée de ces visites argumentées permet d’augmenter de 10 % les prescriptions d’antibiotiques préconisés en 1re intention. Dans l'Aude, le pourcentage de la patientèle traitée par amoxicilline est ainsi passé de 19 à 35,5 % « Il est possible sous certaines conditions d’impacter la prescription », a-t-il souligné.
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