En amont de la journée internationale des cancers pédiatriques le 15 février, l’Institut national du cancer (Inca) et le National Cancer Institute (NCI) aux États-Unis annoncent l’instauration d’un partenariat international de partage de données sur les cancers de l’enfant.
C’est dans le cadre du G7 Cancer, un regroupement des pays les plus avancés dans la recherche contre le cancer, que le projet a pris forme, le partage de données étant apparu comme l’une des priorités de la coopération internationale, et ce notamment dans les cancers pédiatriques. « Partout dans le monde, nous faisons face, après beaucoup de progrès, à des cancers pour lesquels les avancées sont quasiment inexistantes et où les questions scientifiques deviennent de plus en plus complexes, indique au Quotidien Thierry Breton, directeur général de l’Inca. Il devient ardu de trouver seuls, au niveau national, des solutions. Le G7 rassemble les forces et permet de s’attaquer aux problèmes les plus coriaces grâce à la coopération. Il aura quatre priorités : le partage de données, les cancers de mauvais pronostic, la réduction des inégalités et la prévention ».
Un besoin de données dans les cancers pédiatriques
La France compte 2 260 nouveaux cas de cancers pédiatriques par an chez les 0 à 17 ans dont 443 parmi, les 15-17 ans. « Si ces chiffres peuvent paraître faibles comparativement aux cancers de l’adulte, ils représentent tout de même la première cause de décès par maladie chez l’enfant et l’adolescent, avec plus d’un décès d’enfant ou d’adolescent par jour en France », explique la Pr Véronique Minard-Colin, vice-présidente de la Société française des cancers de l’enfant (SFCE) et cheffe du comité pédiatrie à Gustave-Roussy.
Il est estimé qu’un médecin généraliste va voir une fois dans sa carrière un cancer chez un enfant ou un adolescent. « Les cancers pédiatriques sont ainsi rares et multiples, parfois de diagnostic difficile. L’intégration des données de la biologique moderne – séquençage à haut début et nombreuses autres techniques – est un défi que nous ne pourrons relever que grâce au partage des données à l’échelle internationale », ajoute la Pr Véronique Minard-Colin.
Si les progrès accomplis avec l’arrivée de la chimiothérapie dans les années 1980 ont été exponentiels, la médecine est actuellement sur un plateau depuis les années 2000 en termes de survie dans les cancers pédiatriques. « Il y a quelques cancers que nous guérissons remarquablement bien, la majorité des leucémies et lymphomes par exemple, et pour lesquels il faut envisager une désescalade thérapeutique pour limiter les séquelles et guérir “mieux”, rapporte l’oncologue. Pour d’autres, il faut guérir “plus” - cancers métastatiques ou en rechute, ou certaines formes de tumeurs cérébrales - il y a moins de 30 % de chances de survie. Nous avons besoin de plus de données pour comprendre les origines, les implications génétiques, le profil biologique et clinique, les paramètres pronostiques… ».
L’union fait la force
La première pierre de ce partenariat pour les cancers de l’enfant a été posée lors de la conférence de Paris organisée début novembre, dans le cadre du G7 cancer, par l’Inca et le NCI, avec plus de 150 experts participants de tous les pays et de toutes les compétences. Le rapport sera publié ce 15 février à l’occasion de la journée internationale. « Lors de cette réunion, nous avons identifié un certain nombre de perspectives et de points de blocage : comment et quelles données partager, comment installer une interopérabilité et une interprétation homogène, comment s’organiser », explique Thierry Breton. Depuis ce consortium, l’Inca s’attelle à lancer des projets pilotes. « Concernant les travaux scientifiques, nous déciderons dans les prochaines semaines quels projets initier dans le cadre de cette phase pilote », rajoute-t-il.
L’objectif de ce partenariat est dans un deuxième temps de lancer des projets de recherches internationaux avec différentes universités et laboratoires dans le monde. Par la suite, le directeur général de l’Inca confie souhaiter « créer une stratégie de partage de données et l’élargir aux cancers de l’adulte. » Une perspective partagée par l’oncologue pédiatrique qui attend de ce partenariat de pouvoir « développer des études communes internationales qui permettraient d’identifier plus rapidement des médicaments efficaces ».
Selon un rapport de l’Organisation mondiale de la santé de février dernier sur les cancers dans le monde, il est attendu une augmentation de 77 % des cas de cancers d’ici 2050 avec 35 millions de nouveaux cas. « Le partage de données nous permettra de mieux comprendre et identifier les expositions auxquels les enfants et leurs familles auront été confrontés. C’est un sujet sur lequel nous travaillerons au niveau international, c’est une voie de progrès pour demain afin de mieux connaître les cancers et trouver des traitements », conclut Thierry Breton.
Les cancers pédiatriques en chiffres
En France, les principaux cancers pédiatriques chez les 0-17 ans sont : les leucémies (26 %), les tumeurs cérébrales (25 %) et les lymphomes (15 %). Les tumeurs embryonnaires qui touchent les enfants de 0-5 ans représentent 10 % des cancers et il y a également de nombreux cas de sarcomes, surtout chez les adolescents. Ces cancers sont très différents de ceux de l’adulte qui touchent le sein, le poumon, le côlon…
Dans le monde, en 2019, il y avait 291 000 nouveaux cas de 0 à 14 ans et 99 000 décès de cancers pédiatriques. Il existe très peu de données sur l’incidence des cancers par pays, mais celles sur les causes de décès montrent que le cancer tue beaucoup plus en Afrique qu’en Europe (95 % versus 30 % en France pour un lymphome par exemple). En Europe de l’Est, les taux de survie dans certains pays sont encore 10 à 15 % inférieurs à ceux de la France.
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