Alcool et baclofène : l’ANSM donne l’alerte

Publié le 03/07/2017
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Crédit photo : GARO/PHANIE

« Le profil de sécurité du baclofène utilisé en dehors de l’indication neurologique est préoccupant, notamment lorsqu’il est reçu à fortes doses », annonce ce jour l’ANSM dans une étude menée conjointement par l’Assurance Maladie et l’INSERM. Ce travail révèle qu’aux fortes doses, au-delà de 180 mg/jour, la hausse du risque d’hospitalisation et surtout de décès des patients traités par baclofène par rapport aux traitements de la dépendance à l’alcool apparaît particulièrement nette : la fréquence des hospitalisations est augmentée de 46 % et le risque de décès est multiplié par 2,27. En particulier, le risque d’intoxication, d’épilepsie et de mort inexpliquée (selon le certificat de décès) s’accroît avec la dose de baclofène reçue.

La sécurité du baclofène examiné en vie réelle

Cette étude de sécurité très attendue a été menée entre 2009 et 2015 à partir des bases de données du Sniiram et du PMSI reliées à celle du Centre d'épidémiologie sur les causes médicales de décès (CépiDc). Cette enquête en vie réelle visait à documenter les usages du baclofène, évaluer le maintien du traitement dans la durée et évaluer sa sécurité, notamment lorsqu’il est donné à fortes doses.

Concernant l’observance, « comme pour les médicaments indiqués dans la dépendance à l’alcool, plus de 4 patients sur 5 débutant un traitement avec le baclofène l’arrêtent définitivement au cours des six premiers mois d’utilisation », note l’Agence du médicament. Au cours des six premiers mois d’utilisation, seuls 10 % des patients l’ont pris sans l’interrompre.

Le baclofène a été comparé avec les traitements de la dépendance à l’alcool ayant une autorisation de mise sur le marché (acamprosate, naltrexone, nalméfène, disulfiram).

Elle a permis de distinguer les utilisateurs du baclofène pour indication neurologique, celle de l’AMM, de ceux qui l’ont reçu pour une autre indication, notamment une possible dépendance à l’alcool pour laquelle le baclofène avait reçu une RTU. Laquelle RTU a été assouplie en mars dernier par l’ANSM qui tolérait des doses maximales de 300 mg/j. moyennant une grande prudence dans la prescription et une surveillance serrée.

Un usage hors AMM important, des effets indésirables proportionnels aux posologies

Passés au crible d’un algorithme, les motifs d’initiation de prescriptions entre 2009 et 2015 ont montré que plus des deux tiers des patients - soit 213 000 personnes – s’étaient vus prescrire le médicament hors AMM.

La part des patients recevant des doses quotidiennes élevées (>75 mg) sont minoritaires mais leur part a augmenté régulièrement passant de 3 % en 2013 à 9 % en 2015. Un peu plus de 1 % des patients ont reçu des doses quotidiennes supérieures à 180 mg.

Aux doses faibles et modérées (inférieures à 75 mg/jour), le risque d’hospitalisation est faiblement augmenté par rapport aux traitements de l’alcoolodépendance (de 9 % aux doses inférieures à 30 mg/jour et de 12 % aux doses entre 30 et 75 mg/jour) et le risque de décès n'est pas augmenté.

Pour des doses entre 75 mg/jour et 180 mg/jour, le risque d’hospitalisation est modérément augmenté de 15 % par rapport aux traitements de la dépendance à l’alcool mais le risque de décès est multiplié par 1,5.

Annonce d'une prochaine révision de la RTU

Ces données amènent l’ANSM à « engager dès à présent une révision de la RTU du baclofène dans l’alcoolo dépendance, notamment en ce qui concerne les doses administrées. » Par ailleurs, les résultats de cette étude seront pris en compte dans le cadre du dossier de demande d’autorisation de mise sur le marché du baclofène dans le traitement de l’alcoolodépendance qui est en cours d’évaluation à l’ANSM.

Études phares des dernières Journées annuelles de la Société française d’alcoologie (Paris, 15 au 17 mars 2017), les résultats définitifs des études Bacloville et Alpadir légitimaient le baclofène comme un outil thérapeutique reconnu pour la réduction des consommations d’alcool. 


Source : lequotidiendumedecin.fr