C’est avec plusieurs mois de retard que se tiendront les Assises nationales de la pédiatrie, initialement prévues au début de l’année et reportées au 24 mai. À cette occasion, le gouvernement devrait annoncer un train de mesures sur la base d’un vaste rapport mis en ligne par le ministère de la Santé ce mardi 30 avril.
Ce document qui recense 400 propositions a été rédigé sous l’égide du comité d’orientation chargé de préparer les assises, présidé par l’ex-secrétaire d’État à l’Enfance Adrien Taquet et l’ancienne présidente de la Société française de pédiatrie, la Pr Christelle Gras Le Guen. Le rapport a été transmis au ministre délégué à la Santé Frédéric Valletoux. Tour d’horizon.
Financement : un « choc d’attractivité » pour revaloriser les métiers de l’enfance
Avec 8 500 médecins pédiatres, la France se place à la 22e place sur les 31 pays de l’OCDE en termes de densité médicale pédiatrique. Le rapport préconise d’« investir massivement » et en « urgence » dans toutes les prises en charge de l’enfant « en ville comme à l’hôpital, en reconnaissance des spécificités et du caractère chronophage de la médecine de l’enfant ».
Au regard du « déficit d’attractivité », les experts souhaitent inscrire cette priorité dans le cadre des négociations conventionnelles (en pause), en insistant aussi sur la pédopsychiatrie, dont l’offre libérale est « quasi inexistante en dehors des très grandes villes », « du fait d’une consultation longue et non valorisée ». Le rapport exhorte aussi à « doubler le tarif de la consultation en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent en ville, afin d’augmenter l’accès aux soins pour les mineurs et l’attractivité de la discipline ».
Le comité d’orientation suggère ensuite de renforcer les moyens et les effectifs des PMI (renommées « maisons des 1 000 jours et de l’enfant »). En équivalent temps plein (ETP), c’est le financement de 450 médecins supplémentaires (1 700 aujourd’hui), 1 800 infirmières spécialisées dans les soins médicaux apportés aux bébés et aux enfants (IPDE, 4 500 aujourd’hui) et 300 sages-femmes (1 100 aujourd’hui) qui est nécessaire. Même combat à l’école, où médecins, psychologues et infirmiers scolaires sont des métiers à revaloriser pour en améliorer l’attractivité.
Côté remboursement des soins, la Sécu serait bien inspirée d’instaurer un tiers payant « obligatoire » sur tous les examens obligatoires de l’enfant (qu’il serait bon de majorer).
Formation : un stage minimum obligatoire de six mois à la santé de l’enfant
Sujet de crispation avec les généralistes enseignants, la formation initiale à la santé de l’enfant fait l’objet d’une série de recommandations. En pratique, l’augmentation du numerus apertus devrait permettre seulement un retour aux effectifs médicaux des années 80, « qu’il faut prévoir de multiplier pas deux au moins pour disposer d’une offre de temps médical équivalente ».
Des mesures complémentaires sont réclamées, comme l’augmentation du nombre d’enseignants. Sont nécessaires 100 hospitalo-universitaires (HU) pédiatres et 10 HU pédopsychiatres titulaires par an en plus ; 200 assistants, chefs de cliniques et praticiens HU en plus ; et davantage de postes de professeurs associés.
Le comité réclame au passage de « renforcer et homogénéiser la formation théorique et pratique en santé de l’enfant de la médecine générale ». Cela passe par un « stage minimum obligatoire de six mois à la santé de l’enfant » pour tous les internes à réaliser dans différents lieux d’exercice : généraliste avec orientation spécifique à la santé de l’enfant, pédiatres ambulatoires, service de PMI, santé scolaire, service de pédiatrie hospitalier, urgences pédiatriques. « Cette préconisation va à l’encontre de la proposition de réforme du DES de médecine générale, et spécifiquement la modification de la maquette (3 mois de médecine de l’enfant au lieu de 6 mois actuellement) », prennent la peine de préciser les auteurs. Le rapport prend toutefois ses distances avec la revendication des pédiatres hospitalo-universitaires, qui exigent un stage de six mois en secteur pédiatrique hospitalier uniquement.
Accès direct, délégations : clarifier qui fait quoi
Le rapport insiste sur la nécessité d’une gradation des soins pédiatriques « clarifiés ». D’où une stratégie de « premier recours en accès direct » en y incluant une série de spécialistes de la santé de l’enfant : médecin traitant – généraliste ou pédiatre – PMI, infirmier IPDE avec possible consultation de pratique avancée, infirmier libéral, orthophoniste, kiné, psychomotricien, ergothérapeute, diététicien, consultante en lactation, dentiste, assistant médical, médiateur en santé et psychologue.
Sur le deuxième recours se trouvent le pédiatre, les centres médico-psychologiques et centres médico-psychopédagogiques (CMP-CMPP), les pédopsychiatres, les pédodontistes et les centres d'action médico-sociale précoce (Camps). Les services hospitaliers constituent le troisième et dernier recours.
Le comité milite pour le développement de téléconsultations pédiatriques encadrées, avec interdiction de certaines téléprescriptions comme celles d’antibiotiques, de corticoïdes, d’IPP et de psychotropes (renouvellement de traitement possible mais pas de primo-prescription).
Afin de libérer du temps médical, il propose de réglementer les demandes abusives de certificats médicaux (certificats de non contagiosité pour les retours en crèche/école par exemple) et faciliter leur délivrance uniquement si elle est légitime.
La pratique avancée doit être dynamisée. Lors des 1 000 premiers jours, cela passe par la reconnaissance des compétences des infirmières IPDE avec une augmentation de leur implication dans de nombreuses missions (« examens de routine, accompagnement, dépistage, orientation »).
Les sages-femmes doivent obtenir le droit de prescrire des consultations chez un psychologue conventionné.
Enfin, il conviendrait d’ « amplifier le soutien financier au déploiement des assistants médicaux auprès des pédiatres et des médecins généralistes ».
À l’école, créer un nouveau statut de médecin de fonction publique
Ce nouveau statut ouvrirait aux médecins scolaires la possibilité d’un exercice mixte et partagé, commun à la santé scolaire, aux PMI, aux centres de santé publics et à l’hôpital, « dans le cadre d’une revalorisation
et d’une harmonisation de la grille des salaires ville/hôpital/prévention/médecine scolaire ». À quel niveau ? « Sur la grille de praticien hospitalier », lit-on.
Ce médecin de fonction publique doit avoir la possibilité de prescrire, assume le comité, qui suggère également la création d’un nouveau « service de santé des élèves », mobilisant tous les professionnels de santé du territoire « sous la coordination du médecin scolaire ». Les infirmières de santé scolaires sont sous son « autorité hiérarchique ».
Santé mentale : un bilan à l’entrée au collège
Sur 1,6 million d’enfants et d’ados qui présentent en France au moins un trouble psychique, la moitié bénéficie de soins prodigués en pédopsychiatrie par des professionnels spécialisés, en hospitalisations partielles, complètes ou en structures ambulatoires. Or le nombre de lits a baissé de 58% entre 1986 et 2013, note le rapport. Dès lors, les experts réclament la consolidation des capacités en pédopsychiatrie (création de 600 postes en CMP infanto-juvénile, renforcement de l’offre d’hospitalisation et de post-urgence).
L’entrée au collège doit s’accompagner d’un « bilan de santé mentale » réalisé par le psychologue scolaire formé, par un libéral via le conventionnement local et/ou par les psychologues participant à l’opération Monpsy, forfait qui doit être majoré (ce qu’a déjà annoncé fin janvier Gabriel Attal).
La promotion de la santé mentale et de la psychiatrie périnatale nécessite un financement d’équipes mobiles et de places mères/enfants pour 15 millions d’euros supplémentaires.
Le rapport se concentre aussi sur le volet ambulatoire de la pédopsychiatrie généraliste (en CMP et CMPP), qu’il convient de « repositionner clairement comme l’acteur central des parcours de santé mentale, tout en lui donnant les moyens de ses missions (troubles du neurodéveloppement -TND- et troubles psycho-affectifs non TND) ».
Urgences pédiatriques : participation « élargie » des libéraux à la PDS ambulatoire
Les urgences pédiatriques, médicales ou chirurgicales, représentent 27 % des passages aux urgences, soit plus de 5,5 millions de passages annuels. 85% de ces passages se font dans des établissements publics. Afin d’améliorer l’accès aux soins non programmés et optimiser le recours aux urgences, le comité propose trois mesures : intégrer à la régulation téléphonique (SAS et 15) des professionnels formés à la santé de l’enfant ; « ajuster » les effectifs des médecins et paramédicaux urgentistes « au nombre de passage dans les services et à la lourdeur des soins prodigués » ; passer obligatoirement par le 15 pour accéder aux urgences pédiatriques en nuit profonde.
En ville, il serait bienvenu d’envisager une « participation élargie » des praticiens libéraux à la continuité des soins et à la permanence des soins ambulatoires, via des « mesures incitatives ». Le comité cite la revalorisation des montants planchers des forfaits de régulation et d’affectation ou des majorations de PDS ambulatoire mais aussi la « responsabilisation des médecins par un engagement territorial » et l’extension de la PDS ambulatoire « à d’autres professionnels de santé » (infirmières, sages-femmes).
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