Courrier des lecteurs

Profession : médecin généraliste non qualifié !

Publié le 26/02/2016
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Retraité depuis le 1er janvier 2016, mais poursuivant mon activité, j'ai reçu du Conseil départemental de l'Ordre des médecins de la Haute-Garonne, confirmation de mon inscription au tableau comme médecin retraité. Après trente-six ans de bons et loyaux services auprès de mon importante clientèle, j'ai décidé de poursuivre mon exercice pour ne pas laisser mes clients « orphelins » après mon départ. En effet, il devient très difficile de trouver un successeur permettant le passage en douceur du flambeau et les confrères, souvent surchargés, refusent de nouveaux patients.

Je constate que la plupart des jeunes confrères généralistes ont intégré avec raison dans leur logiciel d'activité le concept de qualité de vie, de repos compensateur et autres voies d'épanouissement.

Mon rêve était de devenir médecin de famille et je suis comblé tant l'osmose avec mes patients est intense. Je me suis toujours considéré comme un artisan de la santé avec sa lourde charge de travail et d'émotions partagées.

C’est donc avec stupeur et indignation que j'ai pris connaissance de mon nouveau titre de gloire professionnel : « médecin généraliste non qualifié » écrit noir sur blanc dans le courrier du Conseil de l'Ordre.

Après tant d'années d'exercice quotidien de 7 h 30 à 21 heures, de sessions de formation continue en soirée et, parfois, le week-end, la lecture de la presse médicale, suis-je non qualifié ? Il est vrai que je n'ai pas souhaité accéder à ce Nirvana qu'est le titre de spécialiste en médecine générale, ne m'étant jamais humilié de n'être que médecin généraliste.

Aurais-je fait courir sans le savoir un risque inconsidéré aux patients par manque de qualification. ? La culture démagogique du moment a transformé l'humble femme de ménage en technicienne de surface, le discret instituteur en professeur des écoles et le médecin généraliste en spécialiste en médecine générale… mais toujours à 23 euros… Pourquoi pas ? Mais j'aurais aimé demeurer médecin généraliste tout simplement.

Il ne faut pas s'étonner qu'au gré des différentes contraintes, brimades administratives et autres désillusions, les jeunes confrères généralistes se détournent de ce magnifique métier. Ils préfèrent logiquement le confort du salariat avec horaires définis, RTT et autres items de qualité de vie.

Je suis lucide et sais pertinemment que mon « coup de gueule » n'aura pas plus d'importance qu'un battement d'ailes dans un ouragan, mais il m'aura au moins permis un moment d'auto-psychothérapie de soutien.

Soyez assurée, Madame la Ministre, de ma considération et de mon dépit… non moins considérable !

Dr Lucien de Guzman de Saint Nicolas, Balma (Haute-Garonne)

Source : Le Généraliste: 2749