Dans une tribune publiée le 8 janvier dans Le Monde, les médecins François Bourdillon (ancien directeur général de Santé publique France), André Grimaldi (professeur émérite à la Pitié-Salpêtrière) et Michka Naiditch (médecin de santé publique) défendent l’idée que la financiarisation de la santé n’est pas inéluctable, en appelant à une refondation globale du système.
En chiffres : six groupes contrôlent plus de 60 % des laboratoires de biologies ; quatre groupes détiennent plus de la moitié des cliniques privées ; et les maisons de retraite avancent, à l’instar des dentistes, des radiologues ou encore des soins primaires, vers la même issue, argumentent-ils.
Les libéraux « incapables » de repenser les pratiques
Les auteurs de la tribune sont d’ailleurs durs envers les libéraux, qui, selon eux, « se sont montrés incapables de repenser les pratiques, les rémunérations et l’organisation territoriale de la santé. Le capital tire profit de ce statu quo pour poursuivre sa marche. » Le rachat avorté des centres de santé de la Croix-Rouge par Ramsay est « un échec », mais d’autres initiatives « avancent à bas bruit », comme Ipso Santé soutenu par Citizen Capital, rapportent-ils.
La même stratégie est menée partout : prendre le contrôle de structures, au besoin en les rachetant cher à leurs propriétaires professionnels et « rationaliser » les activités pour les rendre plus profitables. Les médecins, devenus des employés, ne disposent donc plus de la maîtrise de leurs outils de travail et ne pèsent plus sur les orientations stratégiques. « Les nouvelles structures ainsi rentabilisées peuvent alors être revendues, notamment à des fonds de pension », regrettent-ils.
Vers une croissance des inégalités de santé
Avec cette financiarisation, qui inquiète partout en Europe, comme en Allemagne, « nul doute que les inégalités de santé, et notamment celles qui sont relatives à l’accès aux soins, vont croître, car le capital n’investit que là où c’est rentable ou rentabilisable. Ces groupes sélectionnent leurs activités, poussent à la multiplication d’actes non pertinents médicalement mais rentables financièrement, obligent les patients à payer un surcoût non remboursé par l’Assurance-maladie, voire dégradent la qualité des soins », comme ça a été le cas dans les Ehpad, avec le scandale Orpea.
Le chef de l’État portait pourtant le 12 mars 2020 le même idéal que les auteurs, rappellent-ils : « Ce que révèle cette pandémie, c’est qu’il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. » L’augmentation des dépenses publiques de santé, comme lors du Ségur, « aurait pu annoncer le retour de l’État-providence ». Mais, pointent-ils, « tout porte, hélas, à croire le contraire », notamment les propos d’acteurs du secteur évoquant le « désengagement relatif de l’État » comme première raison de « l’engouement » pour la santé.
Le raté du CNR santé
La financiarisation du système de soins n’est « pourtant pas inéluctable, mais à la condition que les médecins et les autres professionnels de santé, en lien avec les représentants des usagers-malades, aient la volonté de négocier un nouveau compromis avec l’Assurance-maladie et l’État pour proposer une refondation globale du système de santé assurant l’accès de tous, et sur tout le territoire, à des soins de qualité au tarif conventionnel (sans dépassement d’honoraires), appliquant le principe du juste soin pour le patient au moindre coût pour la collectivité, et développant la prévention individuelle et collective », défendent les médecins auteurs de la tribune.
Lesquels évoquent le Conseil national de la refondation (CNR), comme rendez-vous manqué pour changer de braquet.
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