Un médecin rural qui avale des kilomètres pour effectuer ses visites, retrouve sa salle d'attente pleine à craquer et enchaîne les consultations… Un praticien qui assiste tant bien que mal un vieil homme souhaitant finir sa vie à domicile, assiste une patiente étrangère à remplir des formulaires pour obtenir une aide financière, apporte son soutien sans faille à une femme plongée dans la dépression… Dans son nouveau long-métrage, « Médecin de campagne », Thomas Lilti raconte le difficile quotidien du seul généraliste d'un bourg rural, à une heure de la capitale. Un médecin à l'ancienne, sans ordinateur, qui se vante de pouvoir retrouver le dossier médical papier de tous ses patients en moins de trente secondes.
Sentiment d'abandon et humanité
Mais le Dr Jean-Pierre Werner, la cinquantaine finissante, magnifiquement incarné par François Cluzet, voit sa vie basculer lorsqu'il apprend qu'il est atteint d'un cancer du cerveau. Un ami médecin lui conseille de se faire remplacer et lui adresse une consœur, Nathalie, une ex-infirmière devenue généraliste, interprétée par Marianne Denicourt. Jean-Pierre doit accepter sa maladie, se faire soigner, et petit à petit confier sa patientèle à Nathalie.
S'il n'est pas un documentaire, ce film traite avec justesse et en nuance la thématique de la désertification médicale et le sentiment d'abandon des populations. Il montre aussi comment les professionnels de santé se serrent les coudes et travaillent en bonne intelligence. Dans le film, ils rejettent le projet de maison de santé porté par le maire, accusé d'être « une spéculation immobilière ». Tous préféreraient que la municipalité investisse dans les transports municipaux et l'informatisation des cabinets.
Le film évite d'aborder certaines facettes de la vie des médecins, les formalités administratives qui allongent les journées, les relations parfois compliquées avec les caisses ou les incessants appels téléphoniques, pour se concentrer sur les relations souvent très fortes nouées par le généraliste avec ses patients.
L'enjeu de la fin de vie à domicile
Thomas Lilti insiste sur l'importance et la qualité de ce lien de confiance lorsqu'il évoque la prise en charge d'un patient autiste ou d'une jeune femme qui refuse d'utiliser un moyen de contraception et avorte à plusieurs reprises.
Après avoir traité de l'acharnement thérapeutique à l'hôpital dans son précédent film « Hippocrate », le réalisateur s'empare de la problématique de la fin de vie à domicile. Le film défend le droit à mourir chez soi. Selon les statistiques de l'observatoire de la fin de vie et de l'INSERM, 57
% des gens en France décèdent à l’hôpital (contre 27 % à domicile, 11 % en maison de retraite et 5 % dans un autre lieu). Après les projections du film en avant-première, de nombreuses personnes ont confié au réalisateur regretter de ne pas avoir pu aider un membre de leur entourage à finir sa vie chez lui.
L'œuvre de Thomas Lilti est aussi (surtout) politique et vise à « réhabiliter les médecins » (voir page 3) à une époque où nombre d'entre eux ont la sensation d'être déconsidérés par les pouvoirs publics. « Ce film a une vertu d'alerte », a déclaré au 20 heures de France 2 le populaire François Cluzet.
Preuve de l'intérêt qu'il suscite avant même sa sortie, le film a été projeté à l'Élysée en présence du président de la République et des ministres de la Culture et de la Santé. « François Hollande a été touché par le regard porté sur les médecins et les habitants de la campagne qui se sentent délaissés », confie Thomas Lilti.
Le réalisateur a également reçu les compliments de Marisol Touraine. « Elle était rassurée car le film est positif et donne une belle image des médecins. Elle m'a aussi dit sur le ton de la boutade qu’avec ce film, elle aurait du mal à ne pas revaloriser la consultation… »
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