À quoi ressemble la médecine spécialisée française ? Quelles sont les tendances lourdes ? À l'heure où les nouveaux internes simulent leurs pré-choix de spécialité, la Direction de la recherche, des études, des évaluations et des statistiques (DREES) remet les pendules à l'heure. Tour d'horizon.
Une démographie tonique depuis un quart de siècle
Tous modes d'exercice, 121 300 spécialistes sont inscrits au tableau de l'Ordre au 1er janvier 2016, désormais loin devant les effectifs de généralistes (102 300). La croissance du nombre de spécialistes en 25 ans se révèle beaucoup plus dynamique que celle des omnipraticiens (44 % contre 9 %), si bien que l'écart se creuse. Les spécialistes représentent 54 % de l’ensemble des médecins (contre 47 % il y a 25 ans).
La spécialité à plus fort effectif est la psychiatrie avec 15 200 inscrits à l'Ordre, devant l'anesthésie réanimation (11 300 médecins), la radiologie (8 700) et la pédiatrie (8 000). À l’inverse, plusieurs disciplines sont en deçà de la barre des 1 000 praticiens, comme la médecine nucléaire (700), l'hématologie (600), la réanimation médicale (360) ou la neurochirurgie (540). La progression des effectifs a été particulièrement forte dans les spécialités médicales. La DREES précise que « tous des médecins ne contribuent pas à l'offre de soins puisque certains n'ont pas d'activité directe auprès des patients », exerçant dans des ministères, en laboratoire pharmaceutique, dans le secteur de la prévention…
Féminisation variable et vieillissement
Les femmes représentent 44 % des spécialistes, soit 14 points de plus qu'en 1991. Elles sont beaucoup plus présentes parmi les spécialités médicales (49 %) que parmi les spécialités chirurgicales (28 %), un écart qui existait déjà il y a 25 ans (34 % contre 20 %). Dans plusieurs spécialités, les femmes représentent désormais plus des deux tiers des praticiens (endocrinologie, gynécologie médicale, médecine du travail, dermatologie, pédiatrie).
L’âge moyen des spécialistes progresse régulièrement – de 44 ans en 1991 à 51 ans en 2016. « Les médecins de plus de 55 ans représentent 43 % des spécialistes en 2016, contre 25 % en 2005 », précise l'étude. Les gynécologues médicaux sont de loin les plus âgés, avec 60 ans en moyenne, devant les médecins du travail (55 ans), les ophtalmologistes et dermatologues (54 ans), les ORL et psychiatres (53 ans). À l’inverse, c’est en hématologie (43 ans), réanimation médicale (46 ans) et neurologie (47 ans) que l’âge moyen est plus bas.
Le salariat plus fréquent parmi les jeunes
La moitié des spécialistes sont aujourd'hui salariés, proportion stable depuis 20 ans. Mais dans le détail le salariat est plus fréquent parmi les plus jeunes. Ainsi 55 % des spécialistes âgés de 40 à 44 ans sont salariés, contre 40 % seulement des 55/59 ans. La médecine du travail, la génétique, la gériatrie, l'hématologie ou la réanimation médicale sont exercées à plus de 90 % par des salariés. Les chirurgiens sont plus rarement salariés, tout comme les ophtalmologues (14 %) ou les dermatologues (16 %). Point significatif : si l'on s'intéresse à la première année d'inscription à l'Ordre, 90 % des spécialistes sont salariés. Le taux décroît ensuite au fil des années : quatre ans plus tard, 26 % se sont installés en libéral…
En ville, l'exercice en cabinet de groupe (ou société) est en expansion, choisi par 61 % des spécialistes. La pratique libérale de groupe progresse dans toutes les tranches d'âge. Ce mode d'exercice grimpe à 90 % pour certaines spécialités comme la radiologie. C'est en pédiatrie, dermatologie, endocrinologie et médecine physique et de réadaptation que les médecins libéraux restent davantage « en solo ».
30 % des nouveaux spécialistes diplômés à l'étranger
En 2016, 23 200 médecins inscrits à l’Ordre étaient diplômés à l’étranger… dont 80 % de spécialistes. La proportion de praticiens diplômés à l’étranger s'élève désormais à 15 % des spécialistes – et même 30 % des nouveaux inscrits. Les disciplines chirurgicales sont celles où cette proportion est la plus élevée (16 %), en particulier la chirurgie thoracique et cardiovasculaire (27 %). Parmi les spécialités médicales, la gériatrie (33 %), la néphrologie (27 %) et l’oncologie (23 %) sont particulièrement concernées. Six spécialistes sur dix formés hors de France sont salariés exclusifs.
Le secteur II attractif pour les nouveaux
41 % des spécialistes libéraux sont installés en secteur II (contre 11 % des généralistes). Si les radiologues (13 %) et les pneumologues (18 %) ont rarement la possibilité de pratiquer des dépassements d’honoraires, la situation s'inverse pour les chirurgiens (79 % de secteur II), les ORL (58 %) et les ophtalmologues (56 %).
L'étude illustre l'attrait puissant du secteur II pour la nouvelle génération puisque 54 % des spécialistes installés depuis 10 ans au maximum pratiquent des honoraires libres (63 % des jeunes anesthésistes, 53 % des jeunes psychiatres, etc.). Le taux de dépassement moyen des spécialistes est de 56 % avec, là encore, des écarts marqués : 22 % chez les cardiologues mais 97 % chez les stomatologues.
Et demain ? Plus de neurologues, moins d'ORL
Selon des projections de la DREES (scénario schématique maintenant la réglementation en vigueur, la répartition des postes aux ECN, les choix professionnels…), le nombre global de spécialistes devrait stagner quelques années avant de rebondir à partir de 2020. D'ici à 2040, les effectifs de spécialistes progresseraient de 33 % de façon très hétérogène. Les disciplines affichant les hausses les plus importantes (tous modes d'exercice) seraient la médecine interne et la neurologie (+80 %), la pédiatrie (63 %) et la médecine physique et de réadaptation (56 %). À l’inverse, les effectifs médicaux diminueraient dans trois spécialités : médecine du travail, dermatologie et ORL.
* Médecine spécialisée et second recours : dossier statistique de la Direction de la recherche, des études, des évaluations et des statistiques (DREES).
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