Trois fois par semaine, le camping-car blanc sillonnera les routes de l’Eure à la rencontre de patients sans médecin. Baptisé « Doctobus », ce petit centre de santé itinérant a été inauguré ce lundi par la communauté d'agglomération Évreux Portes de Normandie. Il proposera des consultations de soins non programmés aux « plus éloignés de l’offre de soins libérale » de cette communauté d'agglomération qui compte 115 000 habitants – dont 13 000 sans médecin traitant.
À bord du Doctobus, cinq généralistes retraités – et un autre d’une trentaine d’années – se relayeront pour assurer les consultations, avec l'aide d’une assistante médicale chargée de l’accueil des patients et de l’encaissement. Les praticiens sont salariés par l’agglomération (5 800 euros pour un temps plein de 35 h). « Il s’agit de médecins retraités que nous avions rencontrés début 2021 lors de la création de notre centre de vaccination Covid, et qui ont répondu présents pour le Doctobus », raconte Julien Boscher, directeur de la Maison de la santé d'Évreux, service communal de santé.
Rendez-vous sous 48 heures
Le cabinet itinérant promet d’offrir un rendez-vous dans les 48 heures à tous les patients sans médecin traitant, ou en cas d’indisponibilité du médecin habituel. « L’idée est d’apporter de la proximité et du soutien à la médecine de ville », souligne Julien Boscher, alors que l’Eure subit une démographie médicale « critique », avec « beaucoup de départs à la retraite et des installations au compte-goutte », précise-t-il.
« Dans l’Eure, la démographie médicale est en berne, abonde le maire d’Évreux, Guy Lefrand, lui-même médecin généraliste de formation et président de l'agglomération Évreux Portes de Normandie. Rien que dans mon agglomération, plus de 10 % des patients n’ont pas de médecin traitant et la moyenne d’âge des praticiens est de 59 ans ».
Appels régulés
Bois-le-Roi, Gauciel ou Sacquenville : huit communes de l’Eure seront visitées à tour de rôle par le camping-car qui circulera le lundi, mardi et mercredi. « Nous avons choisi des communes qui n’avaient pas de médecins généralistes », précise le maire d’Évreux.
Si le véhicule restera stationné toute la journée dans la même commune, pas question de proposer des créneaux d'accès direct sans aucun rendez-vous. La prise de rendez-vous, possible uniquement par téléphone, se fait en deux temps. D’abord, la secrétaire médicale installée à la maison de santé ébroïcienne réceptionne les appels des patients et les motifs de consultation. Puis, la demande de soins est transférée à la cellule de coordination des soins non programmés (CCSNP), « un centre de régulation situé à Caen », précise Julien Boscher. Les régulateurs seront chargés de proposer un créneau au patient dans la demi-heure. Le tout dans un délai adapté à la fois à l'état de santé du malade, mais aussi au planning de route du bus médical.
Désengorger les urgences
« Nous souhaitons que 80 % des consultations relèvent des soins non programmés », insiste Julien Boscher. Avec l'idée de « désengorger les urgences, tout comme les libéraux qui sont débordés », abonde Guy Lefrand. « Aux urgences, nous recevons de plus en plus de patients pour des renouvellements d’antidiabétiques, d’anticoagulants », poursuit le maire d'Évreux, toujours en exercice en tant qu'urgentiste à la clinique d'Évreux.
Pour mettre en route le Doctobus, fruit de deux ans de travail, la communauté d’agglomération a dû rédiger un projet de santé afin d'obtenir le feu vert de l’agence régionale de santé (ARS), de la caisse primaire et de l’Ordre départemental des médecins. « Il y a quelques années, nous aurions été interdits d’exercice pour médecine foraine », sourit Guy Lefrand. Mais l’agglomération a pu capitaliser sur l’expérience du Médicobus de l’Orne, lancé en 2020, pour faire accepter son projet. « Le fonctionnement du Doctobus sera évalué dans les six mois qui viennent, c’était l’une des conditions de la validation par l’ARS », précise l’urgentiste. Le budget de lancement du bus médical est fixé à 200 000 euros, puis environ 100 000 euros par an.
Palliatif
Dans les communes visitées par le Doctobus, le camping-car est accueilli « avec curiosité par les habitants et enthousiasme par les élus, il y a une attente très forte », assure Julien Boscher. Pour autant, il concède que « ce n’est pas la panacée, c’est du soin palliatif ». Pour Guy Lefrand, « beaucoup d’élus trouvent dommage d’être obligés de gérer une compétence qui relève de l’État, mais nous n’avons pas d’autre choix ».
Il y a quelques semaines, l’agglomération d’Évreux avait déjà lancé une cabine de téléconsultation en ophtalmologie, « Doctovue ». Une « première mondiale », assure la communauté, qui permet à ses administrés de bénéficier de préconsultation ophtalmologique – le bilan visuel est réalisé à distance par un orthoptiste – installé dans la Maison de la santé d’Évreux. D’ici à juin, un pôle de santé libéral et ambulatoire (PSLA) verra le jour dans la préfecture de l'Eure, ainsi qu’un centre de santé salarié.
« Des endroits où on n’intervient plus » : l’alerte de SOS Médecins à la veille de la mobilisation contre les violences
Renoncement aux soins : une femme sur deux sacrifie son suivi gynécologique
« Cela correspond totalement à mes valeurs », témoigne la Dr Boizard, volontaire de Médecins solidaires
« Les Flying Doctors », solution de haut-vol pour l’accès aux soins en Bourgogne