SI LES PRINCIPES fondateurs de l’exercice libéral n’ont pas 40 ans mais… déjà plus du double (c’est en 1927 que des syndicats locaux avaient construit leur unité sur la base d’une première « charte » de la médecine libérale), il est indéniable que le « monument » a été particulièrement ébranlé au cours des quatre dernières décennies, battu par les vents des conventions médicales (lire ci-dessous le rappel historique 1971-2011), les impératifs de santé publique et la maîtrise des dépenses. L’occasion de vérifier la solidité des fameux « piliers » : liberté de prescription, d’installation, liberté de choix du patient et paiement direct à l’acte.
• Liberté de choix du médecin par le malade
Le principe existe toujours. En France, chaque patient peut choisir n’importe quel médecin généraliste ou spécialiste pour se faire soigner. Mais depuis une dizaine d’années des assauts réguliers ont écorné cette liberté. En particulier, la réforme de 2004 de l’assurance-maladie, et sa déclinaison dans la convention médicale (2005) sur le médecin traitant et les parcours de soins, ont fortement incité les patients à choisir un praticien et à respecter un itinéraire « fléché » sous peine de moindre remboursement des consultations (inscription chez le médecin traitant, pénalités financières « hors piste » de plus en plus lourdes…). Bref, l’accès direct libre au spécialiste devient coûteux. Mais on est encore loin de certains modèles, britannique notamment, organisant les filières de soins autour d’un généraliste « gate-keeper ».
• Liberté de prescription
Là encore, elle est la règle sur le papier. Mais le renforcement des règles conventionnelles de maîtrise des dépenses depuis le milieu des années 80, le poids croissant des recommandations et référentiels, la mise en place d’un vaste système de contrôle des prescriptions piloté par l’assurance-maladie (concernant aussi les arrêts de travail, l’usage du bizone…), la création aussi de la Haute Autorité de Santé, ont conforté nombre de médecins dans le sentiment d’une dépossession de leur liberté de prescrire, du moins d’un encadrement de plus en plus strict. Ces dernières années, les visites des « DAM » (délégués de l’assurance-maladie) ont soulevé de vives polémiques. La liberté de prescription reste au cœur de débats sensibles : la rémunération « à la performance » des généralistes (les contrats avec primes sur objectifs visent à augmenter le taux de génériques, à préférer si possible les IEC aux sartans plus coûteux…) ou, tout récemment, la polémique sur les prescriptions hors AMM et la responsabilité éventuelle des médecins dans le scandale du Mediator.
• Paiement à l’acte
La rémunération directe à l’acte reste largement prédominante. Mais ce système jusque-là quasi exclusif est désormais critiqué, jugé inflationniste, et surtout non adapté à la prise en charge des pathologies lourdes. L’instauration de forfaits, pour l’instant à dose filée (astreintes pour la permanence des soins, médecin traitant pour les patients en ALD, programme Sophia sur le suivi du diabète…), et demain sans doute de façon plus importante (maladies chroniques, prévention, éducation thérapeutique, forfaits structure, missions transversales) change doucement la donne. Récemment, Nicolas Sarkozy a précisé que la réforme de la rémunération qu’il envisage ne remettrait pas en cause le paiement à l’acte mais permettrait de le compléter avec des forfaits liés à certaines contraintes ou à certaines activités.
• Liberté d’installation
Malgré les attaques récurrentes, le dogme résiste. À intervalle régulier pourtant, les pouvoirs publics – gouvernement et assurance-maladie –, inquiets de l’émergence de déserts sanitaires, agitent la menace de mesures autoritaires à l’installation (les infirmiers ont déjà négocié un accord limitant les nouvelles installations en zone surdotée). Les élus locaux des zones rurales et de certaines banlieues les réclament au nom de l’égal accès aux soins. L’an passé, à la faveur de la loi HPST, les parlementaires avaient voté pour la première fois un système contraignant : le contrat santé solidarité obligatoire. Les médecins des zones surdotées s’engageaient à assurer une présence médicale (sous forme de vacations régulières) dans des secteurs fragiles proches, sous peine d’une taxe pouvant atteindre 3 000 euros par an. Mais avant même sa mise en place, ce dispositif est voué à disparaître. Il sera abrogé par la loi « corrective » du sénateur UMP Jean-Pierre Fourcade en cours de discussion. En attendant, les mesures incitatives s’accumulent – exonérations fiscales, aides, primes, bourses étudiantes – mais ce « saupoudrage » rend cette politique assez peu efficace.
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