« Avec cette réforme, les médecins de secteur 2 seront les grands perdants ! Certains confrères vont perdre de 3 000 à 5 000 euros par an. Nous réclamons un moratoire de la réforme au nouveau ministre », annonce le Dr Patrick Gasser au Quotidien. C’est la deuxième fois que le président d’Avenir Spé alerte les pouvoirs publics sur l’impact « négatif » pour les praticiens de secteur 2 du changement d’assiette sociale pour les cotisations des indépendants, programmé pour 2026.
Adopté dans le cadre de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024, le dispositif est censé permettre un traitement égalitaire des libéraux face à la CSG par rapport aux salariés (les indépendants payant proportionnellement davantage de prélèvements sociaux – CSG/CRDS).
Aujourd’hui, les indépendants – dont les libéraux – cotisent sur deux assiettes distinctes en fonction de la nature des prélèvements (une assiette sur les revenus nets pour les cotisations maladie, retraite et famille, une assiette brute élargie pour la CSG-CRDS) – la réforme consistant à calculer l’ensemble des cotisations et contributions sur une « assiette sociale unique » (schéma ci-dessous). Cette nouvelle assiette retiendrait un revenu dit « superbrut » (ensemble des revenus moins les charges), auquel serait appliqué un abattement unifié de 26 %.

Avec ce changement, calcule la Carmf, les indépendants devraient payer en moyenne 20 % de CSG/CRDS en moins, soit un « gain brut de près de 170 millions d'euros » pour les praticiens libéraux dans leur ensemble. Ce montant sera « recyclé » en augmentation de cotisations de retraite complémentaire, permettant de générer des hausses de droits « par année concernée, de l’ordre de 10 % tous régimes confondus » et de « 14 % pour le seul régime complémentaire », précise la Carmf.
Hausse globale de 5 % des charges en secteur 2
Reste que cette évolution programmée aura en réalité un impact très différent, selon le secteur conventionnel d’exercice. Les médecins de secteur 1 seraient, eux, doublement gagnants puisqu’ils bénéficieront d’une hausse des droits à la retraite, couplés à une baisse de leurs charges (évaluée de 2 à 5 %, selon la Carmf).
“Une réforme pour faire plaisir principalement aux artisans, le plus gros bataillon de l’U2P
Dr Patrick Gasser, président d’Avenir Spé
En revanche, de l’avis des experts, les quelque 30 000 médecins de secteur 2 seront le plus souvent pénalisés dès lors que la baisse de la CSG/CRDS (-20 %) ne permettra pas de compenser les hausses couplées des cotisations maladie et retraite. « Leurs charges globales vont augmenter de l’ordre de 5 %, prévient le Dr Gasser (Avenir Spé). Si elles augmentent alors les tarifs devront aussi progresser ». Le patron du syndicat de spécialistes libéraux dénonce une réforme imaginée « pour faire plaisir principalement aux artisans, le gros bataillon de l’U2P (Union des entreprises de proximité) », dont est membre l’Union nationale des professions libérales (Unapl).
De son côté, la Carmf souligne elle aussi, dans son dernier bulletin de décembre, l’effet collatéral négatif pour les médecins de secteur 2 avec une hausse des charges de l’ordre de 5 %. Néanmoins, le Dr Olivier Petit, président de la Carmf, nuance. « Ces praticiens vont aussi avoir des droits supplémentaires lorsqu’ils seront à la retraite », recadre le généraliste.
Une bouffée d’oxygène… pour la Carmf
Pour la Carmf en tout cas, cette réforme sera globalement « bénéfique » car elle permettra de consolider l’équilibre de son régime complémentaire dans les quinze ans à venir. « Sans cette réforme, les réserves de la Carmf seront entièrement consommées en 2039 pour financer le déficit technique temporaire du régime », contextualise son président. Avec ce changement, les réserves financières devraient se situer, au point le plus bas, un peu au-dessus de deux milliards d’euros, permettant de faire face si besoin à des scénarios économiques ou démographiques plus défavorables.
Les premières modifications induites par ce changement d’assiette seront visibles sur l’appel de l’acompte des cotisations de janvier 2026. Mais c’est surtout à partir de l’appel du solde des cotisations (été 2026) que chaque praticien pourra mesurer l’effet concret de l’application de cette réforme de l’assiette sociale.
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