Lundi 9 décembre, fin d’après-midi. Le Dr Philippe Pousset reçoit un patient d’une trentaine d’années qu’il ne connaît pas. « Je suis le médecin de sa sœur et de son beau-frère », explique le généraliste de 59 ans, installé dans le quartier des Minguettes à Vénissieux depuis 27 ans, où il exerce avec un autre confrère et une podologue.
La sœur de ce patient, qui l’accompagne pour la consultation, a prévenu au préalable le médecin. Son frère a des troubles psychiatriques et souffre également d’addictions. « Il était mal depuis manifestement un certain temps, confirme le Dr Pousset. Cela faisait près de six mois qu’il se présentait dans différents services d’urgences et demandait à se faire hospitaliser en psychiatrie (…) La seule réponse qu’on a pu lui donner, ça a été un rendez-vous en consultation d’addictologie qui devait avoir lieu cette semaine. Sa sœur m’avait appelé, en consultation de dernier recours, pour appuyer cette demande d’hospitalisation. »
Pas de conflit direct
Ce lundi, aux alentours de 17h, les choses dégénèrent au fur et à mesure de l’échange. « Quand il est venu me voir, je pense que j’étais un peu le dernier représentant du corps médical dans son ensemble, se souvient le généraliste de Vénissieux. Il est monté tout seul dans les tours. Il n’y a pas eu de conflit direct, on n’a pas fait de bras de fer. Mais il a commencé à s’énerver, à hausser le ton et à cogner sur la table. Sa sœur qui était en salle d’attente s’est interposée entre lui et moi. Heureusement qu’elle était là, parce que ça se serait sans doute moins bien passé. »
La scène aurait pu très mal se terminer. « Il a éclaté son portable sur la table, a pris mon bureau et l’a bougé d’un mètre puis a mis un peu tout par terre. En faisant ça, il s’est blessé la main, ce qui a projeté du sang sur les murs », raconte le Dr Pousset. Qui tient à recadrer les choses. « Certains témoins ont dit aux journalistes : “c’était sanglant” mais il n’y a eu aucune altercation physique, c’était son sang à lui. »
Pour autant, le généraliste quinquagénaire avoue avoir été effrayé. « Bien sûr que j’ai eu peur parce qu’il était quand même très menaçant et en train de détruire mon cabinet ! Sa sœur que j’ai eue au téléphone aujourd’hui est encore bouleversée. Elle revoit l’image de son frère, les yeux exorbités et pas bien du tout… Pour ma part, quand il a été interpellé, j’ai craqué. J’ai pleuré et j’ai mis du temps à m’en remettre. J’ai pris énormément sur moi sur le moment, et après, je me suis effondré ». Le Dr Pousset a porté plainte et a fait une déclaration parallèle au conseil de l’Ordre. Le patient a été interpellé le soir même et incarcéré.
« Trouvez-moi un psychiatre, faites-moi interner »
Le généraliste refuse que les habitants de sa ville se retrouvent stigmatisés par ce fait divers dont il a été victime. « Ce que je veux dire de cette affaire, c’est que je n’ai pas de griefs contre ce monsieur. Ce n’est pas un voyou qui est rentré dans mon cabinet. C’est un malade, que sa sœur m’a amené en désespoir de cause, parce qu’il a été mal orienté, mal diagnostiqué dans les services d’urgence. Et même dans son délire, ce qu’il hurlait, c’était “trouvez-moi un psychiatre, faites-moi une piqûre, faites-moi interner” ».
Le généraliste rappelle l’historique et le contexte particulier de cette commune de l’agglomération lyonnaise. « C’est de Vénissieux, ville melting-pot, qu’est partie la marche des Beurs en 1983 », marche historique pour l’égalité et contre le racisme, pour le vivre ensemble. « J’insiste auprès de vous parce qu’après les premières interviews que j’ai données, je commençais à entendre des choses qui ne me plaisaient pas trop, du style : “La justice est laxiste. J’espère qu’il va payer cher !” Il faut faire attention à ce qu’on dit. Vénissieux, on y vit et on y vit bien. On n’a pas de gilet pare-balles quand on sort de chez soi. Ce n’est pas la mafia qui a débarqué dans mon cabinet », recadre le médecin de famille, presque 30 ans d’exercice au compteur dans le quartier.
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