« La littératie en santé représente l’ensemble des compétences et des connaissances permettant à une personne d’accéder aux informations nécessaires à sa santé, de les comprendre, de les évaluer et de les utiliser. »
Pour la première fois en France, une mesure a été introduite dans le cadre de l’Enquête santé européenne EHIS de 2019. La Drees (direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques du ministère de la Santé) en publie les résultats ce 2 juin.
Dans cette étude, la littératie en santé est calculée sur une échelle de 1 à 5 : 1 correspondant à une grande difficulté de compréhension et 5 à une grande facilité. Les personnes ayant un score inférieur à 3,5 sont définies comme ayant des difficultés.
L’enquête montre ainsi qu’en France métropolitaine, 10,7 % de la population a des difficultés de compréhension de l’information médicale. Le score moyen de littératie en santé dans la population âgée de 15 ans ou plus est de 4,3 en France.
Deux à six fois plus élevées dans les Drom
Mais on note des disparités territoriales sur le sujet. En effet dans les départements et régions d'Outre-mer (Drom), la part de la population exprimant des difficultés est plus importante.
« Après standardisation de la structure par classe d’âge de la France métropolitaine, la part des personnes présentant des difficultés de compréhension de l’information médicale varie entre 17,9 % en Guadeloupe et 59,6 % à Mayotte, soit des proportions deux à six fois plus élevées qu’en France métropolitaine », note ainsi la Drees.
L’âge est aussi un facteur qui influence la littératie en santé. Ainsi, en France métropolitaine comme dans les Drom, les personnes de 75 ans ou plus expriment plus de difficultés de compréhension.
Le niveau de diplôme et le français comme première langue : facteurs les plus impactant
L’étude met en avant différents facteurs de risque de difficultés en littératie en santé : les compétences cognitives ou psychosociales, le niveau d’études, le statut social et la maîtrise de la langue.
Le statut social a une légère influence. Ainsi, entre le quart de la population ayant le niveau de vie le plus faible et celui ayant le plus élevé, le score moyen de littératie varie de 4,1 à 4,5 en France métropolitaine.
Le niveau d’études en revanche influe plus fortement. En métropole, le score moyen est de 3,8 chez les personnes sans diplôme et augmente progressivement et significativement, hormis entre le niveau bac et le niveau bac +2, pour atteindre 4,6 chez celles ayant un diplôme de niveau bac +3 ou supérieur. En Outre-mer, l’écart est plus marqué.
Les immigrés sont aussi trois fois plus nombreux à avoir des difficultés en littératie en santé (27,0 % contre 9,0 %).
Par ailleurs le fait de ne pas avoir le français comme première langue parlée à la maison multiplie par 3,8 la proportion de personnes ayant des difficultés en littératie en santé (36,0 % contre 9,2 % en métropole).
L’étude révèle aussi l’importance du soutien social dont peuvent bénéficier les individus. Ainsi le score moyen de littératie peut varier de 4,1 en cas de soutien faible à 4,5 en cas de soutien fort en métropole. « La proportion de personnes ayant des difficultés en littératie en santé est 2,8 fois plus élevée en cas de soutien social faible que lorsqu’elles déclarent un soutien social fort », précise les auteurs.
Plus de difficultés selon l'état de santé
Les personnes en mauvaise santé sont aussi celles qui présentent le plus de difficultés en littératie en santé. Ainsi, en France métropolitaine, le score moyen varie de 3,4 pour les personnes déclarant un très mauvais état de santé (2 % de la population) à 4,6 pour celles déclarant un très bon état de santé (26 % de la population).
« En comparaison des personnes déclarant un très bon état de santé, il y a 11 fois plus de personnes avec des difficultés en littératie en santé parmi celles déclarant un très mauvais état de santé en France métropolitaine, 13 fois plus en Guadeloupe, 9 fois plus à La Réunion, près de 6 fois plus en Martinique et un peu plus de 4 fois plus en Guyane », détaille la Drees.
Il existe aussi une corrélation entre le niveau de littératie et le fait de déclarer une maladie chronique. Ainsi parmi les personnes qui déclarent une maladie chronique, le score moyen est de 4,2 avec 15 % des répondants qui présentent des difficultés en littératie en santé (contre 4,4 et 9 % chez ceux ne déclarant pas de maladie chronique). En Guadeloupe, il y a 2,4 fois plus de personnes ayant des difficultés en littératie en santé parmi celles souffrant de maladie chronique. Le ratio est de 2,0 à La Réunion, 1,4 en Martinique, 1,3 en Guyane et 1,2 à Mayotte.
Par ailleurs, pour les personnes ayant un syndrome dépressif, « le score moyen de littératie en santé est significativement inférieur à celui des personnes sans syndrome dépressif en France métropolitaine comme dans les DROM », précise l’étude. La différence est de 0,4 point en France métropolitaine, où près d’un quart des personnes présentant un syndrome dépressif a des difficultés en littératie en santé, contre une personne sur dix parmi celles sans syndrome.
« Bien que ces corrélations entre le niveau de littératie en santé et l’état de santé n’indiquent pas une relation de cause à effet, elles suggèrent néanmoins qu’il pourrait y avoir un impact direct de la littératie en santé sur la santé. Mais d’autres mécanismes peuvent aussi coexister et participer au niveau de corrélation observé. Par exemple, il n’est pas à exclure que certains problèmes de santé qui détériorent les capacités cognitives, lorsqu’ils apparaissent, ont probablement un impact sur le niveau de littératie en santé. Enfin, il est également possible que certains facteurs aient un effet conjoint sur la littératie en santé et sur la santé elle-même », analyse les auteurs.
« Au vu de ces résultats, la littératie en santé ressort comme une dimension indispensable à prendre en compte si l’on veut lutter efficacement contre les inégalités sociales de santé en France », concluent-ils également.
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