Investissement en santé : requiem pour le conseil scientifique (CSIS)

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Publié le 17/02/2025
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Pointé pour ses dysfonctionnements par l’Igas, le Conseil scientifique de l’investissement en santé (CSIS), créé en 2021 à la suite du Ségur de la santé, disparaît au bénéfice de l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (Anap).

Le nouveau CHU (Centre Hospitalier Universitaire) en construction sur l île de Nantes. Nantes, le 10 octobre 2024.

Le nouveau CHU (Centre Hospitalier Universitaire) en construction sur l île de Nantes. Nantes, le 10 octobre 2024.
Crédit photo : Sebastien Salom-Gomis/SIPA

Le ministère de la Santé n’a pas perdu de temps. À peine l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) publiait le 13 février un rapport sur les investissements immobiliers des établissements de santé, éreintant au passage le Conseil scientifique de l’investissement en santé (CSIS), que le lendemain, la DGOS (ministère) annonçait l’absorption de cette instance par l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (Anap).

Présidé par le Pr François-René Pruvot, le CSIS était chargé d’expertiser les gros projets immobiliers nationaux de plus de 150 millions d’euros, les ARS pilotant les plus petits calibres et le secteur médico-social revenant à l’Anap.

Les experts du CSIS devraient rejoindre le vaste réseau des 700 experts de l’Anap à partir du 1er avril.

Un Conseil trop inféodé à la FHF ?

Le CSIS est né dans la roue du Ségur de la Santé (2020), plan massif de soutien à l’investissement de 19 milliards d’euros étalé jusqu’en 2030, dont 7,5 milliards ciblés sur les projets prioritaires structurants.

Côté gouvernance, la mission relève des fragilités au sein du Conseil. La place même de son président, le Pr François-René Pruvot, est interrogée, car il est aussi membre de la direction de la Fédération hospitalière de France (FHF) en tant que conseiller médical. « Cette position est inappropriée considérant la nécessaire neutralité de cette instance et ne saurait perdurer », lit-on. Elle viendrait mettre en difficulté le CSIS et la production de son avis par exemple lors d’une expertise touchant au rapprochement sur un même plateau technique d’un établissement de santé public et d’un établissement de santé privé. Dans la même logique, le lieu des réunions du CSIS, à savoir la FHF, est mis en cause.

Enfin, le volet expertise du CSIS est également critiqué au niveau national, l’Anap n’ayant pas été non plus associée à cette activité, « alors qu’elle dispose de ressources sur les questions immobilières et la gestion immobilière dans son ensemble ».

« Aucune preuve de conflit d’intérêts » pour la FHF

La FHF a moyennement apprécié les conclusions de l’Igas. Dans un courrier envoyé à l’Inspection le 17 février, la fédération exprime son « profond désaccord » sur les motifs avancés par l’Igas pour pousser à la dissolution du CSIS. « La FHF n’a jamais mélangé les genres ni discuté des dossiers du CSIS au sein de ses instances, lit-on dans la lettre signée par la numéro deux de l’organisation, Zaynab Riet. Les soupçons de collusion formulés dans le rapport [porte] atteinte à l’intégrité non seulement du CSIS, mais également de la FHF. » La Fédération rappelle qu’« aucune preuve de conflit d’intérêts ou d’inféodation n’a jamais été apportée et cela restera ainsi puisqu’il n’y a aucun conflit d’intérêts ». Enfin, insiste l’instance, le Pr François-René Pruvot est conseiller médical de la FHF, et non membre de la direction.

Le volet investissement du « Ségur », un plan massif mal fagoté

Lancé en mars 2021, le volet sur les investissements du Ségur de la santé a pour principal mérite d’avoir fait émerger 800 projets pour le secteur sanitaire. « Le Ségur constitue un plan d’investissement potentiellement massif par son effet de levier, avec plus de 31 milliards d’euros d’opérations recensées à mai 2024, lit-on dans le rapport. Il a permis un début de reprise des investissements hospitaliers depuis 2021, mais insuffisant pour enrayer l’augmentation de la vétusté du patrimoine hospitalier. »
L’Igas critique également les retards dans sa mise en œuvre. Seulement 37 % des projets de plus de 20 millions d’euros et 26 % des projets nationaux « présentent un programme technique détaillé validé à mai 2024 ». Outre la dégradation financière des établissements et le renchérissement du coût des projets, « la maturité initiale des projets très hétérogènes » est pointée du doigt. Ce constat vaut principalement pour les projets instruits nationalement (d’un montant supérieur à 150 millions d’euros, soit 5 % des projets), qui entrent justement dans le champ de compétences de feu-le CSIS.


Source : lequotidiendumedecin.fr