En France, seuls 22 % des PU-PH sont des femmes. « Il y a un plafond de verre pour accéder à cette dernière marche de la carrière hospitalo-universitaire », analyse le Dr Jean-Sébastien Allain, qui a mené – avec d'autres praticiens du CHU de Rennes – une étude sur la parité femme/homme parmi les postes universitaires en milieu hospitalier, publiée dans la revue scientifique Plos One.
Les auteurs se sont penchés sur les données du Centre national de gestion (CNG) collectées de 2015 à 2020 et ont analysé la répartition des hommes et des femmes dans les différents postes – praticiens hospitaliers (PH), maîtres de conférences des universités (MCU-PH) et professeurs des universités (PU-PH) titulaires.
En 2020, 51 401 praticiens étaient en activité dans les hôpitaux français (dont 92 % de médecins) ; et plus la hiérarchie progresse dans les postes universitaires, plus la proportion de femmes s'amenuise. Alors que 52,5 % des PH sont des femmes, elles constituent 48,6 % du corps des MCU-PH et seulement 22 % des PU-PH.
Sans compter qu'il existe des disparités entre les taux de femmes PU-PH, particulièrement faible en médecine (20,6 %) et en pharmacie (36,1 %) mais plus élevé en odontologie (44,3 %). Depuis 35 ans, chaque année, « le nombre de femmes nommées professeur est systématiquement inférieur à celui des hommes », souligne l’étude rennaise, qui pointe « un climat institutionnel dominé par les hommes ».
Pas de femme professeure d'urologie
L'écart de genre aux postes universitaires supérieurs est encore plus spectaculaire en fonction des spécialités. « L’urologie est la seule spécialité sans aucune femme parmi les 69 PU-PH ! », souligne le Dr Jean-Sébastien Allain. D’autres spés sont très majoritairement masculines sur ce plan : anesthésie (90 % d'hommes parmi les PU-PH), cardiologie (93 %), chirurgie digestive (90 %), gastro-entérologie (89 %) chirurgie orthopédique (97 %) ou encore ORL (87 %).
Et même dans certaines disciplines « paritaires » en termes d'effectifs médicaux totaux, « l’écart se creuse toujours lorsque l’on atteint les postes de PU-PH », précise le Dr Allain. Ainsi, « les femmes PH en pneumologie sont 50 % mais ce taux chute à 14 % pour les PU-PH » [12 femmes professeurs sur 85].
Préjugés comportementaux
Au-delà des spécialités plus ou moins féminisées, c’est bien la montée en grade universitaire qui reste discriminatoire. « Ce n'est pas particulier à la médecine, c’est une problématique sociétale, explique l'auteur de l'étude. Il suffit de voir le nombre de femmes PDG du CAC 40. »
Mais l'univers hospitalier – et a fortiori hospitalo-universitaire – reste un creuset particulier de discriminations. « Les femmes sont plus nombreuses que les hommes à subir de l’épuisement à l’hôpital car elles cumulent les tâches et les obstacles, détaille le Dr Carole Poupon, vice-présidente d’Action Praticiens hôpital (APH). Elles sont plus souvent victimes de harcèlement, de discrimination et de mépris. Ce sont de vrais freins aux évolutions de carrière. » Et avec une charge mentale familiale plus lourde, « les femmes manquent encore de temps pour se former et pour les travaux de recherche alors les hommes peuvent privilégier leurs carrières. »
Dans son avis sur l’attractivité des carrières hospitalo-universitaires, publié en juin dernier, l’Académie de médecine pointait de son côté « des barrières invisibles, artificielles, créées par des préjugés comportementaux et organisationnels qui freinent les femmes dans leur accès aux plus hautes responsabilités ». Elle évoquait la « faible compatibilité avec la maternité (...), l’impact sur la vie de famille, des difficultés d’adaptation de l’entourage, l’attitude de la hiérarchie ».
Temps de travail et mentorat
Pour avancer vers la parité dans ces postes universitaires de haut niveau, l’Académie suggérait, entre autres mesures, « une plus grande présence de mentors féminins ». « Il y a plus de femmes professeures dans les hôpitaux où elles sont déjà davantage représentées », confirme le Dr Allain.
En juillet dernier, le ministère a avancé quelques mesures pour renforcer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans l'accès aux carrières HU. Parmi celles-ci, une meilleure communication sur la lutte contre les violences sexistes, la mise en place d'« études statistiques sexuées de façon suivie » (pour objectiver les inégalités de genre) ou encore un bilan régulier de la répartition femmes/hommes au sein des UFR et des CHU, à l'appui de l'examen des demandes de postes de MCU-PH et PU-PH.
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