Les changements ne devraient être que transitoires et le dernier mot revenir, comme toujours, à l’Assemblée nationale. Il n’empêche : la commission des affaires sociales du Sénat a profondément remanié ce mercredi 22 juillet le projet de loi de santé adopté mi-avril par les députés.
Comme l’annonçait dans nos colonnes son président, le sénateur républicain du Vaucluse Alain Milon, la commission (à majorité de droite) a examiné au pas de charge plus de 450 amendements. Elle en a adopté 206 et a procédé à la suppression de 50 articles, balayant un très grand nombre de dispositions emblématiques de la réforme de Marisol Touraine.
Les conditions d’installation à revoir
Le symbole est fort : le tiers payant généralisé obligatoire, dont la mise en œuvre est jugée « complexe » et qui a « entraîné une crispation inutile » avec les médecins libéraux, a été supprimé.
Les sénateurs ont encore rejeté l’idée d’un conventionnement sélectif des médecins dans les zones surdotées (une installation pour un départ) introduit récemment par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable de la Haute assemblée. Ils souhaitent en revanche rendre obligatoire l’ouverture d’une négociation sur les conditions d’installation des médecins libéraux dans les zones sous-denses et sur-denses dans le cadre de la future convention médicale (attendue en 2016).
Concernant l’organisation territoriale des soins, les communautés professionnelles territoriales de santé ont été remplacées par les pôles de santé institués par la loi « Hôpital, patients, santé et territoires ». Les sénateurs affirment par ailleurs avoir annihilé « le pouvoir coercitif conféré aux ARS » en cas de carence des initiatives locales.
Un autre testing
Les sénateurs ont amendé une disposition décriée des médecins, le testing, en confiant au Défenseur des droits plutôt qu’au conseil national de l’Ordre, la mission d’évaluer les pratiques de refus de soins.
L’accès à l’ensemble des données contenues dans le dossier médical partagé (DMP), y compris celles rendues inaccessibles par le patient, ne sera envisageable que si le patient y a explicitement consenti. De même, sauf opposition du patient dûment informé, le médecin qui le prend en charge au sein d’un établissement de santé pourra consulter son dossier pharmaceutique.
Les sénateurs ont rétabli les missions de service public pour rassurer les cliniques privées qui redoutent l’interdiction totale de dépassements d’honoraires dans le cadre de la refonte du service public hospitalier.
Le paquet neutre temporairement neutralisé
Sur le volet de santé publique de la loi, la commission sénatoriale a supprimé le paquet neutre, mesure phare du plan anti-tabac, et a demandé de porter à 65 % la surface des paquets de cigarettes consacrée aux avertissements sanitaires. La ministre de la Santé a d’ores et déjà indiqué qu’elle déposerait un amendement pour rétablir le paquet neutre en séance plénière.
Le consentement présumé du don d’organes sera renforcé tandis que le délai de réflexion de sept jours avant une interruption volontaire de grossesse (IVG) est retiré. Les sénateurs ont tenté d’encadrer davantage l’accès aux données de santé (article 47).
Les actions de groupe plus encadrées
La commission a réintroduit l’Ordre national des infirmiers (ONI), que les députés avaient supprimé. Cette décision est saluée comme un « signe fort de la reconnaissance de la profession » par l’ONI.
Plusieurs dispositions rayées d’un trait de plume pourraient être vécues comme un recul par les associations d’usagers. Les sénateurs ont supprimé la possibilité pour les médecins de prescrire une activité physique adaptée aux patients atteints d’une maladie de longue durée. Ils ont par ailleurs limité le recours aux « class actions » en santé aux seules associations d’usagers agréées au niveau national.
Le projet de loi de santé « new-look » sera examiné en séance publique au Sénat à partir du 14 septembre.
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