La pollution atmosphérique fait peser un « fardeau considérable » sur la santé et les finances des Français, selon un travail mené par les chercheurs de Santé publique France (SPF) en collaboration avec l’école d’économie de Marseille (AMSE), l’Ineris, et le centre d’investigation clinique « épidémiologie Clinique » (Inserm/CHU de Bordeaux). Ce rapport en deux parties fournit la première évaluation détaillée de l’impact de l’exposition aux microparticules (PM2,5) et au dioxyde d’azote (NO2) pour huit pathologies : cancers du poumon, bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), asthme de l’enfant et de l’adulte, infections aiguës des voies respiratoires inférieures (à l’exclusion de la grippe), accident vasculaire cérébral (AVC), infarctus, hypertension artérielle et diabète. « Nous n’avons pas intégré d’autres items comme les pathologies neurologiques ou encore le petit poids de naissance, car n’avons pas encore en France de données qui nous permettent d’établir une relation causale robuste », précise Sylvia Medina, de la direction Santé Environnement de SPF.
Les auteurs ont utilisé les connaissances épidémiologiques issues du projet Emapec de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur les liens de cause à effet entre pollution de l’air et santé. Ils se sont ensuite servis de ces données pour établir un scénario « idéal » dans lequel, toutes choses égales par ailleurs, les niveaux de concentrations de polluants seraient ramenés aux niveaux de pollution anthropique les plus faibles jamais mesurés dans une station rurale : 1 μg/m3 pour le NO2 et 3 μg/m3 pour le PM2,5. La différence entre le réel et l’idéal permet d’évaluer l’impact sanitaire de ces deux polluants. Entre janvier 2016 et décembre 2019 (période étudiée dans le rapport), les concentrations moyennes annuelles de PM2,5 étaient comprises entre 9,2 et 11,6 μg/m3 et celles de NO2 étaient comprises entre 7 et 22,7 μg/m3, avec un clair gradient rural/urbain.
20 % des cas d’asthme chez l’enfant, 16 % chez l’adulte
La note est particulièrement salée ! À eux seuls, les PM2,5 sont associés à la survenue de 40 000 nouveaux cas d’asthme chez l’enfant, soit 20 % de l’incidence annuelle. Chez l’adulte, la pollution aux microparticules est liée à 22 000 nouveaux cas de BPCO, soit 11 % des nouveaux cas chez les 40 ans et plus. Enfin, cette catégorie de polluants atmosphériques est aussi à l’origine de 78 000 nouveaux cas d’HTA chaque année (11 % du total), 10 000 nouveaux AVC (10 %), 8 100 nouveaux infarctus et 14 400 nouveaux cas de diabètes de type 2.
Tous les Français, ruraux comme urbains, sont actuellement surexposés
Sébastien Denys
Santé publique France
Le dioxyde d’azote, pour sa part, a un effet différent entre les zones urbaines et rurales. Dans les agglomérations, il est à l’origine de 10 000 nouveaux cas d’asthme de l’adulte par an, soit 16 % des nouveaux cas, et de 21 000 cas d’asthme de l’enfant (15 %). Selon Sylvia Medina, « les populations les plus vulnérables sont les enfants car ils sont en plein développement de leurs capacités respiratoires, mais aussi les sportifs et les fumeurs dont l’appareil respiratoire est déjà irrité par le tabac », sans oublier les personnes âgées ou les femmes enceintes.
Sébastien Denys, directeur Santé-Environnement-Travail à SPF, ne veut laisser planer aucune ambiguïté : « Tous les Français, ruraux comme urbains, sont actuellement surexposés », affirme-t-il. Toutes les communes en France dépassent en effet la valeur cible de l’OMS de 5 μg/m3 en ce qui concerne les PM2,5 et seulement 14,1 % des communes urbaines sont en dessous de la valeur cible OMS du NO2, de 10 μg/m3. En ce qui concerne l’effet des inégalités sociales, « on n’a pas pu montrer une exposition plus importante des populations défavorisées, mais on a pu observer une santé et un accès aux soins plus dégradés », précise Sébastien Denys.
Une législation européenne plus rude d’ici à 2030
Une nouvelle directive européenne, adoptée en février 2024, va durcir en 2030 les valeurs limites annuelles : 25 μg/m3 sur une journée à ne pas dépasser plus de 18 fois dans l’année civile et 10 µg/m3 en moyenne sur l’ensemble de l’année civile, pour les PM2,5 et 45 μg/m3 sur une journée, à ne pas dépasser plus de 18 fois par an, et 20 μg/m3 en moyenne sur l’année pour le NO2.
« C’est un premier pas qui supprimerait 15 % du fardeau total des maladies prises en compte dans notre étude », commente Guillaume Boulanger, de SPF. Mais l’objectif devrait être de respecter les valeurs cibles fixées par l’OMS, plus ambitieuses. Dans ce cas, la mortalité attribuable aux PM2,5 baisserait de 75 %, et celle attribuable au NO2 diminuerait de moitié, selon le nouveau rapport, avec un effet globalement plus marqué dans les territoires le plus défavorisés. De plus, 30 000 nouveaux cas d’asthme de l’enfant seraient évités chaque année.
Pour rappel, en 2021, SPF avait estimé à 40 000 par an le nombre de décès attribuables à la pollution atmosphérique liée aux PM2,5 en France sur les 48 0000 morts causés par la pollution atmosphérique.
Une mine d’économies
Cette étude de l’impact sanitaire se double d’une analyse économique réalisée par les chercheurs de l’école d’économie Aix-Marseille, menés par Olivier Chanel. La « principale difficulté était de prendre en compte les coûts depuis l’apparition de la maladie jusqu’au décès », dans trois champs, médical, sociétal et bien-être pour le patient, explique l’économiste.
Selon leur analyse, si les niveaux moyens de PM2,5 étaient réduits jusqu’au seuil de 3 μg/m3, le bénéfice annuel serait de 12,9 milliards d’euros. Pour le dioxyde d’azote, une réduction de l’exposition jusqu’à un seuil de 1 μg/m3 serait associée à un bénéfice de 3,8 milliards d’euros.
Depuis le début des années 1990, les émissions de ces polluants ont été réduites de 60 % fortement. Les émissions de PM2,5 sont ainsi passées de plus de 500 000 tonnes en 1991 à moins de 200 000 tonnes à partir de 2018. « Cette baisse a déjà eu un effet sur la mortalité et l’incidence de plusieurs maladies », indique Sylvia Medina.
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