Le Premier ministre a dévoilé mardi 15 juillet son plan pour redresser les finances publiques. La santé n’y est pas épargnée puisque sur les 44 milliards d’euros à trouver en 2026, François Bayrou a défendu un effort de 5,5 milliards dans les dépenses sociales. Un coup de canif qui n’est pas du goût ni des médecins, ni des patients.
En plus d’appeler à davantage d’efficience dans le système de santé et de lutter contre la fraude sociale, le locataire de Matignon a prôné une « réforme en profondeur » du dispositif affection longue durée (ALD). Les médicaments remboursés à 100 % sans lien avec la maladie, jugés à faible service médical rendu sont visés sans être, à ce stade, clairement identifiés. De même, le gouvernement appelle à une gestion plus dynamique des entrées et des sorties avec un dispositif de suivi et de surveillance renforcée des ALD. Deux mesures qui sont unanimement rejetées par la communauté médicale libérale et hospitalière, mais aussi (et surtout) par les premiers concernés : les patients.
« Ce sera une fois de plus les patients les plus fragiles qui paieront la facture », déplore l’association Renaloo (maladies rénales), qui rappelle que les patients chroniques assument déjà des restes à charge supérieurs aux autres Français (840 euros par an en moyenne en ALD), au regard de toutes les prestations non prises en charge par l’Assurance-maladie (dépassements d’honoraires, actes déremboursés en biologie, etc.). Le reste à charge zéro, c’est un « mythe », ajoute la Ligue contre le Cancer, qui rappelle qu’elle reverse quatre millions d’euros d’aides financières chaque année aux personnes malades pour leur permettre de surmonter les coûts liés à la maladie.
« Ces annonces ne sont, pour l’instant, pas précises », tempère quelque peu la présidente de MG France, la Dr Agnès Giannotti. La généraliste parisienne estime qu’il y aurait un côté « paradoxal » à faire sortir des patients ayant un « petit diabète » du dispositif ALD, ce qui pourrait aggraver leur situation et, in fine, coûter plus cher à l’État. Elle prévient toutefois que « si le pacte avec le médecin traitant, qui inclut la prise en charge des personnes en ALD est mis à la poubelle, ce serait une déclaration de guerre ! »
La « responsabilisation » des patients ne passe pas
Autre mesure largement commentée : le doublement de la franchise médicale (le plafond passe de 50 à 100 euros par an et par assuré) sur les boîtes de médicaments, les actes paramédicaux et les transports, annoncé par François Bayrou pour « responsabiliser les patients » n’a pas plu aux usagers, qui balancent entre grande amertume et fatalisme.
« C’est toujours pareil », enchérit le président de France Assos Santé, Gérard Raymond. « Les politiques disent qu’il faut faire de la prévention et transformer le système de santé, mais leur seule mesure concrète, c’est la “responsabilisation” des patients, en les faisant payer leurs médicaments au comptoir des pharmacies ! », s’exclame-t-il. Avant de pointer la responsabilité des médecins : « Si les Français vont acheter des médicaments, c’est parce qu’on leur a prescrit ! »
Rustine et auto-censure
Le terme de « responsabilisation des patients » a aussi hérissé le poil du président de l’UFML-S, le Dr Jérôme Marty. « On ne choisit pas d’être malade. C’est inacceptable de faire porter sur eux la culpabilisation de leur pathologie ! », s’agace le généraliste de Fronton (Haute-Garonne). Selon lui, toutes ces solutions articulées dans le plan Bayrou « ne vont pas assez loin » et « cherchent à boucher des trous ».
« C’est du rustinage », abonde la Dr Anne Geffroy-Wernet, présidente du Snphare. L’anesthésiste-réanimatrice de l’hôpital de Perpignan craint comme son confrère généraliste « l’auto-censure » des patients à se soigner sous le poids de la culpabilité et aurait aimé un plan d’une plus grande ambition pour le système de santé, sans pour autant se dédouaner, en tant que médecin, de ses responsabilités. « On estime que 20 à 30 % des actes médicaux ne sont pas pertinents, il y a donc énormément d’argent qui dort et que l’on peut récupérer sans mettre à mal l’accès aux soins, sans casser un système généreux et souple, qui malgré les difficultés arrive à soigner à peu près tout le monde. » Dans sa spécialité, elle cite des bilans et des consultations préopératoires « inutiles », qu’il n’est pas rare de voir faits deux fois, alors qu’une fois suffirait amplement, insiste-t-elle.
Des référentiels pour les arrêts ?
Le gouvernement a aussi annoncé des modifications pour les arrêts de plus de 30 jours. Les généralistes et spécialistes pourront déterminer la reprise du travail et plus seulement les médecins du travail – à l’exception des maladies et accidents liés au travail.
« Je plains les consœurs et les confrères, généralistes – déjà dans le collimateur pour les IJ – comme spécialistes, à qui les employeurs auront beau jeu de dire : “Vous n’êtes pas compétents sur la question travail, qui est du ressort explicite de la médecine du travail”, raille le Dr Jean-Louis Zylberberg, médecin du travail aux 28 ans d’exercice, totalement opposé à cette idée. Le risque c’est qu’il y ait une mise en cause de leur responsabilité. »
Du côté des libéraux, la mesure passe bien davantage, mais sous certaines conditions. « Je ne sais pas quelle est la place des spécialistes sur les arrêts de travail, nuance le coprésident d’Avenir Spé-Le Bloc, le Dr Patrick Gasser. Si les médecins ont une vraie responsabilité, peut-être faudrait-il mettre en place des référentiels. Cela fournirait une matière essentielle pour nous aider dans les prescriptions d’arrêts comme de reprises du travail. Parce que les entreprises peuvent être aussi maltraitantes ! », remarque le gastroentérologue nantais, recadrant le débat. Plus directs, ses homologues des Libéraux de santé (centrale qui regroupe dix syndicats, dont la CSMF) disent « soutenir (…) le recours accru aux professionnels de santé libéraux pour faciliter le retour à l’emploi des patients en arrêt maladie de longue durée ». Le débat ne fait que commencer.
La promesse d’une « campagne tarifaire négative » pour Nicolas Revel (AP-HP)
À l’occasion d’un café Nile qui s’est tenu le 16 juillet, le directeur général de l’Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) et ancien patron de la Cnam Nicolas Revel, a refusé de « dire du mal » du budget Bayrou, mais a tenté de traduire sa portée sur l’exercice hospitalier. « J’ai compris que pour 2026, on se dirigeait vers un Ondam (dépenses de santé annuelles, NDLR) à 2 %, a-t-il anticipé. Et ce n’est pas avec le doublement des franchises qu’on va trouver cinq milliards d’euros. Je m’attends donc à une campagne tarifaire négative pour 2026. Les hôpitaux se remettront de cet effort très important s’il ne s’applique que sur cet exercice. Si 2027, 2028 et 2029 sont concernés, on n’y arrivera tout simplement pas. »
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